Dans son nouveau roman Houris, Kamel Daoud revient sur les atrocités de la « décennie noire » en Algérie, une période marquée par une guerre civile qui a coûté la vie à près de 250 000 personnes. Lors d’un entretien accordé au Journal du Dimanche, l’écrivain met en lumière les victimes silencieuses de cette époque, en particulier les femmes, dont l’horreur de la guerre a gravement bouleversé le destin.
Le personnage central, Aube, est marqué à vie après avoir survécu à une attaque islamiste, portant une cicatrice indélébile. À travers elle, Daoud donne voix à ces femmes pour qui une « robe à fleurs trop courte » pouvait sceller leur sort. Ce roman polyphonique ne se contente pas de relater un passé douloureux : selon Daoud, les horreurs subies en Algérie pourraient un jour s’étendre à d’autres territoires, y compris la France.
Les femmes, l’obsession des islamistes
Dans cet entretien, Daoud insiste sur le rôle central des femmes dans son livre, mais surtout dans l’idéologie islamiste. Pour lui, l’islamiste déteste avant tout la femme, dans son corps, sa sensualité, et sa liberté. Il établit également un parallèle entre la condition des femmes sous les talibans en Afghanistan et celles dans le monde arabe : selon lui, qu’il soit algérien ou afghan, l’islamisme puise dans les mêmes textes archaïques pour justifier l’oppression des femmes.
Daoud dénonce également l’amnésie collective imposée par l’État algérien concernant les crimes de la décennie noire. La « Charte pour la paix et la réconciliation » de 2005 empêche toute discussion publique de cette période, forçant le silence sur les crimes commis par les islamistes. « On a organisé une amnésie forcée », explique l’auteur, qui déplore que cette période ne soit ni enseignée ni discutée en Algérie. Un verrouillage qui permet aux islamistes de poursuivre leur conquête idéologique.
Dans ce même entretien, Kamel Daoud met en garde contre la montée de l’islamisme en France. Pour lui, la stratégie reste la même : certains utilisent les couteaux, d’autres la culpabilisation ou l’entrisme électoral, mais l’objectif est identique. Il souligne que les nations européennes réfléchissent encore en termes de frontières et de nationalités, tandis que les islamistes opèrent sur une matrice transnationale, renforcée par la « terreur éditoriale » qu’ils exercent sur toute tentative de réforme des textes religieux.
La guerre culturelle : un combat à mener à l’école
Selon Daoud, le vrai combat contre l’islamisme est culturel. « L’enjeu est l’accès à l’art et aux livres », déclare-t-il, tout en insistant sur la nécessité de soutenir les enseignants, qu’il considère comme les véritables bâtisseurs de la République. Pour lui, sans une réévaluation du statut des enseignants et une valorisation de la culture, la France ne pourra pas remporter cette guerre culturelle contre l’islamisme.
À travers son œuvre, Kamel Daoud se fait témoin et messager d’une vérité souvent occultée, tout en appelant à une réflexion profonde sur la condition des femmes dans les sociétés arabes et occidentales, ainsi que sur l’avancée inexorable de l’islamisme.