Kaddour : l’hommage vibrant de Rachida Brakni à son père déraciné

Entrevue 1

Dans Kaddour, publié aux éditions Stock, la comédienne et réalisatrice Rachida Brakni livre un récit émouvant et profond sur son père, Kaddour, ouvrier algérien déraciné en France. Cet ouvrage inclassable, entre mémoire personnelle et témoignage historique, met en lumière une figure paternelle courageuse et silencieuse, tout en interrogeant les liens entre identité, exil et transmission.

Le récit débute avec la mort de Kaddour, le 15 août 2020, en pleine pandémie de Covid-19. Ce décès soulève immédiatement la question complexe de la rapatriation de son corps en Algérie, son dernier souhait. Pendant ces six jours marqués par l’incertitude et le rituel funéraire, Brakni convoque les souvenirs : l’enfance pauvre de son père en Algérie, son départ pour la France, sa vie d’ouvrier marqué par l’accident du travail qui lui coûta deux doigts, et sa lutte acharnée pour offrir un avenir meilleur à ses enfants.

À travers des scènes empreintes de tendresse et de réalisme, elle dresse le portrait d’un homme fier et intègre, qui, bien que peu expansif, a transmis à sa fille des valeurs profondes : le respect, l’amour du travail, et un attachement indéfectible à ses racines. Kaddour n’est pas seulement une biographie familiale ; c’est aussi une réflexion sur l’identité et la condition des immigrés maghrébins en France. Brakni explore la tension entre son propre parcours, marqué par l’ascension sociale, et l’univers ouvrier de son père. Cette dualité, entre modernité et tradition, se manifeste notamment dans les rituels funéraires musulmans qu’elle décrit avec un mélange de respect et de distance.

En filigrane, l’auteure éclaire les luttes des déracinés, ces hommes et femmes souvent anonymes, qui ont contribué à bâtir la France sans jamais cesser de regarder vers leur terre d’origine. À travers le destin de son père, elle interroge aussi le poids des silences et des non-dits qui ont marqué la relation entre générations. Avec Kaddour, Rachida Brakni livre un premier texte saisissant, porté par une écriture juste et élégante. Ce livre, à la fois intime et universel, donne une voix à ceux qui n’ont jamais eu l’occasion de raconter leur histoire. À travers la figure de Kaddour, c’est toute une génération d’ouvriers immigrés qui trouve enfin une reconnaissance littéraire et humaine.

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