Jacques Audiard « terrifié » face au succès d’« Emilia Perez » et de la course à l’Oscar

30 octobre, 2024 / Alice Leroy

La campagne des Oscars s’intensifie pour Jacques Audiard, dont le film Emilia Perez – une odyssée musicale racontant la transition de genre d’un puissant narcotrafiquant mexicain – fait déjà figure de favori pour les prestigieuses récompenses américaines. Actuellement en promotion à Los Angeles, où le film sort ce vendredi 1er novembre, Audiard avoue être « terrifié » par l’ampleur que prend ce succès potentiel. « Le succès de masse a quelque chose d’inquiétant, ce n’est pas ta vie réelle », confie le réalisateur de 72 ans, conscient des nombreux défis de la course aux Oscars.

Après avoir reçu le prix du jury à Cannes, Emilia Perez entame donc une nouvelle étape, portée par Netflix qui ambitionne de soumettre le film aux catégories générales de l’Academy – au-delà du simple Oscar du meilleur film international. Pour Audiard, cette campagne s’annonce bien plus intense que celle de 2010 avec Un Prophète, qui avait été nommé dans la catégorie internationale. « C’est comme si tu passais d’une compétition de province à une compétition olympique », observe le réalisateur.

Le film raconte le parcours de Manitas, baron de la drogue mexicain, qui simule sa disparition pour enfin embrasser son identité féminine sous le nom d’Emilia. Ce double rôle, interprété par l’actrice transgenre Karla Sofía Gascón, a suscité l’admiration de Cannes, où elle a remporté le prix d’interprétation féminine avec ses partenaires de casting, dont Zoe Saldaña et Selena Gomez. L’actrice, dont la propre transition a profondément inspiré Audiard, pourrait devenir la première femme transgenre nommée aux Oscars.

D’abord conçu comme un opéra, le film aborde la transition de Manitas/Emilia à travers un style « kitsch » et revendique un mélange de genres : narco-thriller, telenovela, comédie musicale. Cette approche singulière vise à rendre hommage à la complexité du parcours de son héroïne. « Il fallait que le film absorbe tout », explique Audiard. « C’est un film qui doit être gênant, qui ose aborder les tabous, même en chantant. »

La course se poursuivra jusqu’au 17 décembre, quand l’Academy révélera les quinze demi-finalistes pour l’Oscar du meilleur film étranger. Un éventuel sacre aux Oscars serait un couronnement pour Jacques Audiard, dont le cinéma explore souvent les vies en marge, de Dheepan à De rouille et d’os, en passant par Un Prophète. « Je m’intéresse aux gens qu’on a du mal à qualifier », résume-t-il, exprimant une curiosité intacte pour les parcours singuliers, qui lui a souvent valu les honneurs des plus grands festivals de cinéma.