« Into the New World » : de la K-pop à l’hymne des manifestations en Corée du Sud

Entrevue 1

Depuis plusieurs jours, une chanson emblématique de la K-pop résonne devant l’Assemblée nationale à Séoul, où des milliers de Sud-Coréens se rassemblent quotidiennement pour réclamer la destitution du président Yoon Suk Yeol. Leur hymne inattendu ? « Into the New World », tube du célèbre groupe féminin Girls’ Generation.

Un chant devenu symbole de protestation

« Une route difficile nous attend », entonnent en chœur les manifestants, faisant écho aux paroles pleines d’espoir et de détermination de la chanson. Depuis qu’un bref épisode de loi martiale imposé par le président Yoon a indigné une partie de l’opinion publique, les rassemblements se multiplient. Les protestataires, en vue du prochain vote de destitution, mêlent slogans moqueurs et K-pop, traduisant ainsi leur volonté inébranlable de voir le chef de l’État quitter ses fonctions.

Au-delà de la simple bande-son, « Into the New World » est devenue un véritable cri de ralliement. Les manifestants reprennent notamment ces vers promettant de ne jamais céder aux incertitudes de l’avenir. D’après les témoignages recueillis, la chanson insuffle à la foule un sentiment de force collective et de solidarité.

Ce n’est pas la première fois que « Into the New World » se transforme en hymne de protestation. En 2016, sur le campus de l’université féminine Ewha, les étudiantes l’avaient déjà utilisée pour dénoncer leur lien forcé avec le scandale de corruption qui a finalement conduit à la destitution de l’ancienne présidente Park Geun-hye. Des images devenues virales montraient alors les jeunes femmes bras dessus, bras dessous, chantant ce même titre face à la police anti-émeute.

Depuis lors, cette chanson s’est imposée comme un incontournable des mouvements militants en Corée du Sud. Elle retentit régulièrement lors de la marche des fiertés et avait même accompagné un rassemblement de soutien au mouvement pro-démocratie de Hong Kong. Pour Jiyeon Kang, professeure d’études coréennes à l’Université de l’Iowa, ce morceau « incarne le courage de défier l’injustice, même quand tout semble perdu, et apporte un réconfort en créant une communauté soudée ».

Une jeunesse rassemblée

Yuri, l’une des membres du groupe, avait déclaré en 2017 avoir été émue aux larmes en voyant des étudiants reprendre leur chanson lors des manifestations. Pour elle, ce détournement symbolique est devenu une preuve de l’impact social que peut avoir la musique.

Girls’ Generation, dont certaines membres n’étaient encore que des adolescentes à leurs débuts en 2007, fait ainsi partie de l’histoire contemporaine sud-coréenne. Le groupe, parmi les plus populaires de la K-pop, a su, sans le vouloir, inspirer des générations de militants.

Pour Han You-jin, 18 ans, chanter « Into the New World » est naturel. Elle a grandi avec ce morceau. « Le reprendre aujourd’hui, avec des personnes de tous âges, est une expérience unique », confie-t-elle. À l’image du mouvement de 2016, certains voient dans cette mobilisation l’occasion de porter leurs voix haut et fort. Kim Ye-ji, ancienne étudiante d’Ewha, se souvient de ses amies menées par la police et de la tension palpable de l’époque. Pourtant, cette révolte pacifique a fini par triompher et aboutir à la destitution de l’ancienne présidente.

À l’heure où les manifestants se tournent une nouvelle fois vers « Into the New World », la mémoire de ces victoires passées galvanise les foules. « Je suis convaincue que nous surmonterons encore cette épreuve », conclut Kim Ye-ji, le regard tourné vers un avenir qu’elle espère, cette fois encore, meilleur.

Thumbnail