Le projet de loi en cours de discussion au Parlement turc, qui propose un amendement sur l’espionnage, suscite de vives préoccupations parmi les organisations de défense des droits et les journalistes. L’ONG Human Rights Watch (HRW) a publié un communiqué ce samedi 2 novembre, appelant à rejeter ce projet qui, selon elle, « élargit la définition de l’espionnage de façon si vague qu’il pourrait criminaliser les activités légitimes des défenseurs des droits humains, des journalistes et d’autres acteurs de la société civile ». Hugh Williamson, représentant de HRW, avertit que cet amendement risque de transformer des acteurs civils en « espions ou ennemis de l’État », conférant ainsi au gouvernement un pouvoir accru pour cibler les voix dissidentes.
Ce texte, récemment approuvé en commission parlementaire, doit être examiné dans les jours à venir au Parlement. Il propose une modification du code pénal turc pour inclure des peines de trois à sept ans de prison à l’encontre de « toute personne accusée de menacer la sécurité de l’État ou ses intérêts politiques, tant nationaux qu’internationaux, selon les intérêts d’un État ou d’une organisation étrangère ». En cas de conflit armé ou de circonstances compromettant la sécurité militaire, la peine pourrait atteindre jusqu’à douze ans.
Le texte, surnommé « législation sur les agents d’influence » par les médias turcs, avait été écarté en juin dernier, mais il revient aujourd’hui dans un climat de tension accru. De nombreux syndicats de journalistes et organisations de défense des droits appellent désormais à son retrait, soulignant les risques de dérives répressives.
Des mesures similaires en Europe : la lutte contre l’influence étrangère en question
La Turquie n’est pas la seule nation à envisager des lois renforçant le contrôle sur les liens avec des intérêts étrangers. En mai dernier, la Géorgie a adopté une législation semblable, obligeant les ONG et médias recevant plus de 20 % de leur financement de l’étranger à s’enregistrer auprès de l’Agence nationale du registre public. Cette mesure avait suscité des sanctions américaines contre certains citoyens géorgiens, accusés de nuire aux libertés fondamentales, notamment à la liberté d’expression. La décision avait également compromis le processus d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne, comme l’a précisé l’ambassadeur de l’UE en Géorgie, Pavel Gerchinsky.
En France, une loi visant à renforcer le dispositif pénal contre les ingérences étrangères a été promulguée en juillet dernier. Inspirée de la loi américaine sur l’enregistrement des agents étrangers (Foreign Agents Registration Act, FARA), cette mesure impose des obligations similaires aux acteurs bénéficiant de financements étrangers.
Alors que les débats sur l’influence étrangère se multiplient en Europe, le projet turc sur l’espionnage, avec ses conséquences potentielles pour les libertés civiques, incarne une tendance internationale croissante à réguler les relations des organisations nationales avec des entités étrangères.