Depuis son arrivée au pouvoir, Giorgia Meloni s’est distinguée par une approche hybride en matière d’immigration. Tout en verrouillant les frontières de l’Italie et en renforçant les accords avec les pays de transit, Meloni a rouvert la voie à l’immigration légale de travail, restée fermée pendant plus de dix ans. Cette décision, bien que cruciale pour soutenir certains secteurs économiques, a rapidement montré ses failles. Un an après, les abus et fraudes se multiplient, forçant la cheffe du gouvernement à prendre des mesures correctives d’urgence.
Des quotas généreux, des fraudes exponentielles
L’accord avec la Tunisie signé en 2023, qui prévoyait l’entrée légale de 452 000 travailleurs étrangers en trois ans, semblait une solution pragmatique pour réguler l’immigration et répondre aux besoins économiques. Cependant, la réalité s’est avérée bien différente. Des intermédiaires véreux se sont emparés du système pour vendre des promesses de permis de travail, plongeant des milliers de migrants dans l’illégalité. Ce phénomène est particulièrement visible en Campanie, où moins de 10 % des travailleurs entrés légalement obtiennent un permis de séjour. Des milliers d’entreprises fictives ont été mises en lumière, vendant des autorisations sans offrir d’emploi réel.
Face à cette situation, Meloni elle-même a porté plainte auprès du procureur national antimafia en juin 2024, dénonçant une infiltration massive du système par des réseaux criminels.
Ce mercredi, le gouvernement italien a dévoilé un ensemble de mesures destinées à lutter contre les abus. L’objectif est double : empêcher l’exploitation des migrants tout en garantissant que ceux qui entrent légalement puissent travailler dans des conditions dignes. Parmi ces mesures, la mise en place d’un système de prédemandes, le croisement des bases de données fiscales et sociales, ainsi que la signature électronique des contrats de séjour. Ces ajustements visent à prévenir la fraude et à s’assurer que les offres d’emploi sont réelles avant l’arrivée des travailleurs.
L’un des défis majeurs reste l’exploitation des migrants par des entreprises qui les embauchent au noir pour échapper aux régulations. Pour y remédier, une vieille disposition est remise en avant : les travailleurs victimes d’exploitation qui dénoncent leurs employeurs pourront obtenir un permis de séjour temporaire de six mois. Cependant, cette mesure, déjà en vigueur depuis 1998, n’a que rarement été appliquée.
Le gouvernement a également décidé de suspendre temporairement les visas de travail pour plusieurs pays d’Asie, notamment le Bangladesh, le Sri Lanka et le Pakistan, où un marché noir des visas s’est développé. De plus, les demandeurs d’asile devront désormais permettre l’inspection de leur téléphone par les autorités pour vérifier leur identité et leur origine.
Un modèle controversé mais efficace ?
Malgré les critiques des associations humanitaires, Giorgia Meloni s’appuie sur des résultats concrets pour défendre sa politique. En effet, les arrivées illégales sur le territoire italien ont chuté de 65 % depuis le début de l’année 2024, une réduction due aux accords avec la Tunisie et à un renforcement des contrôles. Si cette approche séduit certains pays européens, comme le Royaume-Uni qui envisage de s’en inspirer, elle n’est pas sans susciter des réticences.
Les accusations de traitement inhumain des migrants, notamment en Tunisie, ont été largement relayées par la presse internationale. Pourtant, Meloni persiste et signe : pour elle, la gestion des flux migratoires repose sur un contrôle strict et des accords avec les pays de départ, même au prix de critiques sévères.
Avec l’ambition de traiter jusqu’à 36 000 demandes d’asile par an dans des centres situés en Albanie, Meloni continue de remodeler le paysage migratoire italien et européen, espérant inspirer ses homologues à suivre cette voie controversée mais efficace.