Voyages en première classe, vacances aux frais de l’émirat et luxe à gogo : Henrik Hololei, ancien DG Transport de l’Union européenne, semble avoir été chouchouté par le Qatar pendant les négociations du fameux accord « ciel ouvert » – une affaire de corruption qui pourrait être enterrée.
Les révélations sont explosives. Henrik Hololei, un des plus hauts responsables de la Commission européenne, aurait profité d’années de largesses offertes par le Qatar, alors même qu’il pilotait les négociations pour l’accord « ciel ouvert » entre l’UE et Qatar Airways. Ce deal permet à la compagnie de desservir librement toute l’Europe depuis 2021, mais il soulève des questions embarrassantes : à quel point le Qatar a-t-il influencé Hololei et son travail ? Selon le rapport de l’office antifraude de l’UE (Olaf), révélé par Libération, l’ex-dirigeant aurait reçu des « cadeaux » de plusieurs dizaines de milliers d’euros… sans que la justice n’ait été saisie à ce jour.
Un déluge de privilèges et des vacances VIP sur mesure
De 2015 à 2021, Hololei aurait voyagé à neuf reprises en première classe avec Qatar Airways et des groupes de transport arabes sans rien débourser. Ces voyages étaient affichés dans un registre de transparence de la Commission, donc… « rien d’illégal », affirmait alors l’institution. Mais l’Olaf a découvert que l’Estonien aurait en réalité effectué au moins 25 voyages de luxe non déclarés, avec des séjours dans des hôtels cinq étoiles, des « sessions shopping » et des dîners dans les plus beaux restaurants, parfois en famille, avec femme et enfant aux frais du Qatar.
En mai 2018, des e-mails montrent même qu’il aurait réservé un séjour au Four Seasons de Doha, avec chauffeur, comme à son habitude, pour le représenter lors de conférences… et profiter d’une sinécure bien agréable. Ces services auraient pourtant dû être signalés, mais Hololei, « maître de mission » de lui-même, n’a pas jugé bon de le faire.
Confidentiels ou pas ? Les dessous de l’accord révélés au Qatar
La relation entre Hololei et Qatar Airways semble aller bien au-delà de simples invitations. L’Olaf rapporte qu’en mars 2015, en pleine négociation de l’accord de « ciel ouvert », Hololei aurait transmis des documents classés confidentiels, notamment sur les positions franco-allemandes et les prochaines étapes des discussions. En tête d’e-mail, Hololei prévenait ses contacts qataris : « Document sensible, à ne pas diffuser. »
L’accord final, qui permet aujourd’hui à Qatar Airways d’accéder à tout le marché européen, reste une aubaine pour le Qatar, mais un désavantage pour les compagnies européennes, contraintes aux règles strictes des aides d’État.
L’affaire enterrée par Bruxelles ?
Malgré ces éléments accablants, le rapport n’a toujours pas déclenché d’enquête pénale. Depuis juillet, il dort sur le bureau d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission. Une prudence compréhensible alors que l’UE cherche à soigner son image après le Qatargate, qui a révélé l’existence d’importantes sommes d’argent en cash chez des responsables européens.
Hololei, lui, continue de travailler dans la fonction publique européenne, avec un salaire confortable de 23 000 euros nets mensuels. Mis de côté, il a été reclassé « conseiller politique » et parcourt désormais le monde pour représenter l’UE, tout en bénéficiant d’un joli parachute doré.
Cette affaire, un cas unique de conflit d’intérêts à ce niveau de responsabilité, pourrait pourtant faire éclater une bombe politique en Europe. Mais pour l’instant, le scandale reste sous le tapis.