Hier, le RPR et l’UDF se déchiraient mais gouvernaient : aujourd’hui, les macronistes et LR rejouent la même partition
Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, le paysage politique français est marqué par une alliance forcée entre macronistes et Républicains. Contraints de coopérer pour former une majorité relative, ces deux camps aux ambitions distinctes tentent de maintenir une façade d’unité malgré des différends profonds, notamment à l’approche de l’élection présidentielle de 2027. Une alliance qui rappelle la relation complexe de leurs prédécesseurs, l’UDF et le RPR, deux formations qui, sous la Ve République, avaient dû collaborer pour contrer la gauche, tout en défendant chacun une vision distincte de la droite.
Pour les macronistes, ce rapprochement est une nécessité plutôt qu’un choix stratégique. Michel Barnier, malgré son appartenance au camp LR, a été choisi pour sa capacité à naviguer dans les eaux troubles d’une majorité composite. Cependant, son approche, qualifiée de « brutale » par certains, irrite les macronistes qui se sentent souvent marginalisés au profit de leurs alliés de droite. La concession faite récemment à Laurent Wauquiez sur la question de la revalorisation des retraites, annoncée publiquement par ce dernier, a d’ailleurs été perçue comme une véritable humiliation par plusieurs élus de Renaissance. Ce sentiment de frustration évoque la relation parfois tendue entre l’UDF et le RPR, où le premier reprochait souvent au second une mainmise sur les décisions.
Concessions et rivalités : un équilibre précaire
Les clivages au sein de la coalition se cristallisent surtout autour des questions économiques et sociales. La revalorisation des retraites, une victoire pour Wauquiez, constitue un exemple éloquent des priorités des Républicains, qui cherchent à renforcer leur image de défenseurs du pouvoir d’achat des retraités. Les macronistes, en revanche, centrent leurs efforts sur des mesures en faveur de la compétitivité des entreprises, notamment en maintenant les exonérations de charges patronales. Gabriel Attal, ancien Premier ministre devenu chef des députés Renaissance, voit cette mesure comme essentielle à la préservation de l’emploi en France et n’hésite pas à afficher ses désaccords avec les Républicains sur cette question.
La rivalité interne à LR, entre Barnier et Wauquiez, chacun cherchant à consolider sa base en vue de 2027, n’est pas sans rappeler celle qui opposait Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing, deux chefs historique de la droite et du centre, dont les ambitions présidentielles rendaient chaque concession ardue. Barnier, héritier du style diplomatique, tente d’instaurer une « culture du compromis », mais ses choix sont souvent perçus par les macronistes comme biaisés en faveur des Républicains. Wauquiez, quant à lui, n’hésite pas à se démarquer en s’érigeant en défenseur des retraités, critiquant indirectement une politique gouvernementale jugée trop libérale par certains. Cette dualité maintient la coalition en tension constante, où chaque décision devient l’occasion d’affirmer ses différences plutôt que de renforcer l’unité.
Vers une implosion ou une mutation de l’alliance ?
La question se pose alors : cette coalition tiendra-t-elle jusqu’en 2027, ou cédera-t-elle sous le poids des ambitions personnelles et des stratégies divergentes ? Les récentes prises de position publiques, comme celle de Wauquiez sur les retraites ou les demandes d’Attal pour préserver les exonérations de charges, montrent que chaque camp ne se prive pas de cultiver sa propre image auprès de son électorat, quitte à risquer l’équilibre fragile de la majorité. Si les macronistes cherchent à rester les champions de la compétitivité et de l’attractivité économique, les Républicains n’hésitent pas à jouer la carte sociale auprès des classes moyennes et populaires.
Cette alliance rappelle que les coalitions de circonstance, comme celle de l’UDF et du RPR, sont souvent marquées par une collaboration forcée plus que par une réelle adhésion idéologique. Malgré les tensions, l’UDF et le RPR avaient finalement fusionné pour créer l’UMP, une union de droite unifiée. Aujourd’hui, rien n’indique que la coalition macronistes-Républicains connaîtra un destin similaire. Le pragmatisme, bien que nécessaire pour garantir la stabilité politique, pourrait ne pas suffire à maintenir cette majorité relative si les ambitions personnelles prennent le dessus.
Contraints de collaborer pour gouverner, chaque camp espère pourtant tirer un bénéfice politique personnel, tout en conservant ses lignes rouges. La capacité de la coalition à surmonter ses désaccords dépendra de la volonté des deux camps de trouver un équilibre qui leur permette d’avancer sans réveiller les vieux clivages droite-gauche que l’ère Macron cherchait justement à atténuer. Mais à mesure que 2027 se profile, il devient clair que l’unité de façade pourrait se fissurer, faisant de cette alliance une expérience de plus dans l’histoire des coalitions françaises, là où l’ambition personnelle rencontre le pragmatisme politique.