Dans une interview accordée à L’Opinion, le président de la région Normandie, Hervé Morin, a exprimé son inquiétude face aux nouvelles mesures d’économies imposées aux collectivités locales dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Il met en garde contre les conséquences de cette politique, estimant qu’elle risque de provoquer un effondrement de l’investissement public dans les territoires.
Des économies demandées aux collectivités locales
Le gouvernement de Michel Barnier a proposé que les collectivités locales participent à hauteur de cinq milliards d’euros d’économies en 2025. Hervé Morin, bien qu’ouvert à la contribution des collectivités dans l’effort national, déplore que cette mesure arrive à un moment particulièrement défavorable. « Nos budgets subissent déjà un terrible effet ciseau », explique-t-il, faisant référence à la baisse des recettes de TVA bien inférieures aux prévisions de l’État, tandis que les dépenses de fonctionnement explosent, notamment en raison de la flambée des prix de l’énergie. Dans sa région, la capacité d’autofinancement a déjà été réduite d’un tiers. Certaines collectivités locales, particulièrement des départements, seraient même au bord de la cessation de paiements, souligne-t-il.
Morin pointe également du doigt les engagements pris par l’État sous Emmanuel Macron, qui pèsent lourdement sur les finances locales. Il cite en exemple le Pass Rail, annoncé sur TikTok sans aucune étude d’impact. « L’État a épuisé les dernières marges de manœuvre fiscales des collectivités, ne laissant que les communes avec la taxe foncière », dénonce-t-il. Si ces mesures sont confirmées, elles risquent de provoquer une chute drastique de l’investissement public, d’autant plus que la situation économique nationale est déjà difficile, avec un investissement industriel à l’arrêt, une consommation en berne, et un secteur immobilier en crise.
Interrogé sur les accusations du ministère de l’Économie concernant une hausse des dépenses et des effectifs dans les collectivités, Hervé Morin rejette fermement ces reproches. Il juge démagogique la prise de position de Bruno Le Maire, accusant ce dernier de chercher un bouc émissaire. Morin rappelle que ces augmentations sont souvent dues aux transferts de charges de l’État vers les collectivités. « L’État ne gère plus les permis de construire, c’est maintenant aux intercommunalités de s’en occuper, ce qui nécessite du personnel supplémentaire. Les communes doivent aussi recruter des policiers municipaux pour compenser l’incapacité de l’État à assurer la sécurité des citoyens », souligne-t-il.
« Que l’État fasse d’abord le ménage chez lui »
Pour réduire les déficits publics, Hervé Morin suggère que l’État commence par faire le ménage dans ses propres dépenses avant de demander un effort aux collectivités. Il critique la prolifération d’agences et de structures parallèles, dont le budget est passé de 30 à 90 milliards d’euros en dix ans. « Il est urgent de décentraliser davantage pour améliorer l’efficacité publique », plaide-t-il. Il propose également que les salaires des agents de l’État soient plafonnés à 150 000 euros par an et appelle à revoir les rémunérations des préfets et ambassadeurs sans affectation.
Enfin, Hervé Morin s’inquiète des conséquences d’une éventuelle hausse des cotisations retraite pour les agents territoriaux. Pour sa région, cela représenterait quatre millions d’euros supplémentaires à financer, ce qui irait à l’encontre des efforts d’économies demandés.
Pour Morin, il est clair que l’État doit revoir ses priorités avant de faire peser davantage de charges sur les collectivités locales, qui sont déjà fragilisées par des engagements budgétaires qu’elles n’ont pas choisis.