La composition du gouvernement de François Bayrou, fraîchement annoncée, soulève autant d’espoirs que de doutes. Si des figures reconnues comme Bruno Retailleau à l’Intérieur et Gérald Darmanin à la Justice peuvent inspirer une certaine confiance, ce nouvel exécutif aura fort à faire pour prouver qu’il est à la hauteur des enjeux colossaux auxquels la France fait face. Avec un programme encore flou et des fractures politiques profondes, la route semble semée d’embûches.
Un premier chantier : Mayotte en ruines
Le cyclone Chido, qui a ravagé Mayotte, impose une priorité humanitaire et logistique immédiate. Emmanuel Macron a promis une « loi spéciale » pour accélérer la reconstruction du département. Ce texte devrait permettre de déroger à plusieurs règles administratives, notamment en matière d’urbanisme et de marchés publics. Toutefois, l’urgence affichée par le gouvernement ne saurait occulter une réalité : Mayotte est depuis longtemps une terre abandonnée par Paris, minée par l’insécurité et l’immigration incontrôlée. La « loi spéciale » sera-t-elle un simple pansement sur une plaie profonde, ou le début d’une vraie politique de rétablissement de l’ordre républicain dans ce territoire français ?
François Bayrou prononcera son discours de politique générale le 14 janvier. Ce rendez-vous au Parlement sera décisif pour clarifier les ambitions du Premier ministre. Mais pourra-t-il réellement convaincre ? Jean-Luc Mélenchon a déjà promis une motion de censure, tandis que le Rassemblement national, par la voix de Marine Le Pen, reste prudemment en retrait. Les députés Les Républicains, eux, réclament des engagements écrits sur des thèmes cruciaux tels que la baisse des dépenses publiques et l’immigration. Dans ce contexte, un vote de confiance semble loin d’être acquis.
Bayrou peut-il être l’homme des compromis, ou sera-t-il rapidement rattrapé par les divisions internes et les exigences contradictoires de sa fragile majorité ? En tout cas, l’absence d’un mandat clair et d’une stratégie cohérente risque de limiter la portée de ce discours.
La France n’a toujours pas de budget pour 2025. Le précédent projet, imposé par le 49.3 sous Gabriel Attal, a été censuré par l’Assemblée. Bayrou souhaite repartir de la « copie votée », mais sans utiliser le 49.3 sauf en cas de « blocage absolu ». Cet engagement, qui se veut une main tendue aux oppositions, pourrait bien s’avérer un pari risqué. Car si les discussions échouent, ce sera non seulement l’échec du dialogue, mais aussi un désaveu de la méthode Bayrou.
Pour un Premier ministre centriste, issu d’une tradition de compromis, l’épreuve du budget sera sans doute le premier test d’une politique qu’il présente comme « juste et équilibrée ». Mais face à une situation budgétaire explosive, marquée par des dettes abyssales et une pression fiscale à son paroxysme, les mots ne suffiront pas.
Des ministres au service de quelles ambitions ?
Le choix de personnalités comme Bruno Retailleau et Gérald Darmanin pourrait redonner un semblant de crédibilité à un gouvernement que beaucoup considèrent comme un attelage hétéroclite. Retailleau, figure de la droite conservatrice, aura la lourde tâche de rétablir l’ordre dans un pays fracturé par l’insécurité et les tensions communautaires. Mais disposera-t-il des moyens nécessaires ou sera-t-il bridé par un Premier ministre centriste peu enclin à des mesures fortes ?
Quant à Darmanin, sa nomination à la Justice interpelle. Si son passé au ministère de l’Intérieur plaide en faveur d’une approche ferme, sera-t-il à la hauteur dans un domaine où les attentes sont immenses ? Les questions sur l’immigration, le régalien et la souveraineté économique, mises en avant par Les Républicains qui participent à la coalition, trouveront-elles un écho réel dans l’action de ce gouvernement ?
La nomination de François Bayrou à Matignon apparaît comme un pari audacieux mais incertain. Avec un agenda politique surchargé, des oppositions frontales et une situation économique alarmante, le chemin s’annonce chaotique. La France peut-elle attendre des résultats concrets d’un gouvernement qui semble, pour l’instant, plus soucieux de trouver des compromis que d’imposer une vision forte et assumée ?
Si Bruno Retailleau et Gérald Darmanin peuvent incarner un espoir pour ceux qui croient encore en une droite ferme, l’équilibre précaire de cet équipe pourrait bien se briser face à l’épreuve de la réalité. Le doute est permis, mais l’urgence commande. La France ne peut se permettre l’échec.