Depuis quelques mois, une nouvelle mode éducative s’est imposée sur TikTok sous le nom de « ghettossori », contraction de « ghetto » et « Montessori ». Popularisée par jessicafrenchriviera, cette tendance se moque de l’éducation bienveillante en prônant un modèle plus strict, parfois à la limite de la violence.
Les vidéos suivent un schéma récurrent : « Je suis une maman ghettossori donc bien sûr que… » avant d’exposer une pratique éducative contestée. Certaines assument donner des céréales à leurs enfants par manque de temps, d’autres revendiquent l’usage des menaces et des punitions. La créatrice du mouvement n’hésite pas à recommander d’« user de menaces » ou de « goumer » (se battre) si nécessaire. Elle affirme qu’un enfant élevé dans un environnement « un peu ghetto » sera plus apte à faire face à la vraie vie, malgré l’absence de fondement scientifique à ces affirmations.
Pour Céline Quelen, fondatrice de StopVEO-Enfance sans violence, ce phénomène banalise les violences éducatives ordinaires (VEO), pourtant interdites par la loi depuis 2019. Ces pratiques coercitives et punitives sont encore largement répandues : selon la Fondation pour l’enfance, 81 % des parents y ont eu recours en 2024, un chiffre en hausse par rapport à 2022 (79 %).
Cette tendance reflète également le malaise des parents face aux multiples injonctions éducatives. Sous pression, certains se reconnaissent dans ces discours décomplexés qui semblent légitimer une approche plus autoritaire. « Ces messages jouent sur leurs peurs et favorisent une forme d’identification », explique Céline Quelen. Cependant, elle met en garde : « Si l’on commence à cautionner les menaces et les humiliations, on peut ouvrir la porte à d’autres formes de violences. »
Plus largement, cette polémique pose la question de l’éducation en France, encore trop tournée vers la punition et l’obéissance. « Le problème, c’est qu’on privilégie la capacité à faire obéir l’enfant, au lieu de l’accompagner pour qu’il devienne un être éthique et respectueux », souligne la spécialiste. Cette approche contribue à perpétuer un climat éducatif où la violence est perçue comme un mode de régulation normal, au détriment du bien-être des enfants.