Gérard Larcher avertit Emmanuel Macron : « il devra respecter pleinement le rôle de Michel Barnier »
Dans un entretien accordé au Figaro ce lundi, Gérard Larcher, président du Sénat, s’est exprimé pour la première fois depuis la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre. Cette nomination marque un tournant politique majeur, alors qu’un homme de droite se retrouve à la tête du gouvernement dans un contexte économique et social particulièrement tendu. Larcher a salué cette décision, affirmant que Barnier est un Premier ministre « courageux et responsable » capable de conduire la politique de la France face aux nombreux défis actuels.
Un Premier ministre face à une majorité relative
Pour Larcher, Michel Barnier incarne « l’intérêt supérieur du pays » dans une période où la situation économique est préoccupante et où les finances publiques nécessitent une attention immédiate. Avec une majorité relative à l’Assemblée nationale, Barnier pourrait toutefois faire face à des blocages politiques, notamment de la part du Nouveau Front populaire (NFP) et du Rassemblement national (RN). Le président du Sénat prévient que les Français jugeront sévèrement toute opposition systématique, et appelle à une attitude constructive de la part de ces partis.
Larcher se montre lucide sur les difficultés qui attendent Barnier, notamment en ce qui concerne la gestion des finances publiques. Il rappelle que le gouvernement doit déposer son projet de loi de finances 2025 le 1er octobre, une échéance cruciale, et que la France devra trouver 100 milliards d’euros d’économies sur les quatre à cinq prochaines années pour éviter une crise financière. Selon lui, cela passe par des réformes structurelles profondes, mais sans dégrader les services publics.
Maîtrise des dépenses publiques et réformes structurelles
Larcher insiste sur l’importance de la maîtrise de la dépense publique, qu’il considère comme la priorité absolue du nouveau gouvernement. Il suggère plusieurs pistes pour réduire les coûts sans compromettre la qualité des services publics : réduire le nombre d’agences publiques (qui sont au nombre de 1300 actuellement), simplifier les normes, et débureaucratiser l’administration française. Il souligne que ces normes coûteuses représentent une charge de 60 milliards d’euros par an pour l’État.
Quant à la question des impôts, Larcher est catégorique : la France, déjà le pays le plus fiscalisé d’Europe, ne peut pas se permettre de nouvelles hausses d’impôts. Il plaide plutôt pour une gestion plus efficace des dépenses publiques et pour des réformes qui amélioreraient le pouvoir d’achat sans augmenter la pression fiscale.
Une série de réformes urgentes à venir
En plus des finances publiques, plusieurs autres dossiers urgents attendent Michel Barnier cet automne, notamment l’agriculture, le logement, et l’énergie. Selon Larcher, ces textes sont déjà prêts au Sénat et devraient être rapidement mis en œuvre. Il met également en avant l’importance du projet de financement de la Sécurité sociale, qui est, selon lui, dans une situation financière aussi délicate que celle du projet de loi de finances.
Sur le plan politique, Larcher affirme que le dialogue entre la droite et Barnier est « fluide » et que le Premier ministre semble avoir fait siennes plusieurs des propositions formulées par Les Républicains, notamment sur la sécurité, la justice, la réindustrialisation, et l’immigration. Il estime que la droite pourrait légitimement participer au gouvernement, à condition que ses idées soient respectées et mises en œuvre.
Immigration : un enjeu majeur pour Barnier
L’immigration est un autre dossier brûlant auquel Michel Barnier devra s’atteler. Un précédent texte sur l’immigration avait été censuré par le Conseil constitutionnel, rendant une trentaine d’articles inapplicables. Larcher estime qu’il faudra rapidement reprendre ces dispositions pour permettre au gouvernement de mener une politique migratoire efficace.
La participation des Républicains au gouvernement
Interrogé sur la possibilité pour Les Républicains d’assumer des responsabilités au sein du nouveau gouvernement, Larcher se montre favorable, à condition que les propositions de la droite soient respectées. Il rappelle que Les Républicains ont posé deux conditions non négociables : pas de hausses d’impôts et pas d’abrogation de la réforme des retraites. Selon lui, la reprise des propositions formulées par son parti dans le pacte législatif de juillet dernier a permis d’instaurer un climat de confiance avec Michel Barnier.
Larcher se montre optimiste quant à la capacité de Barnier à élargir sa majorité à l’Assemblée nationale, mais il prévient que cela ne pourra se faire que par des actes concrets et non par des compromis systématiques. « La godille, c’est terminé ! », lance-t-il, en référence à la politique du « en même temps » pratiquée par Emmanuel Macron lors de ses deux premiers mandats. Pour Larcher, le temps est venu de mener une politique claire et cohérente, avec un soutien actif de la droite.
Le rôle d’Emmanuel Macron : « un président qui préside »
Larcher s’est également exprimé sur le rôle qu’Emmanuel Macron devra jouer dans cette nouvelle phase de son quinquennat. Il rappelle que le président a récemment annoncé une « révolution copernicienne » en affirmant qu’il serait désormais un « président qui préside » et non plus un « président qui gouverne ». Pour Larcher, cette évolution est essentielle. Il souligne que la crise politique actuelle dépasse la seule personne d’Emmanuel Macron et qu’elle traduit une crise plus large de résultats.
Cependant, il avertit que Macron devra respecter le rôle du Premier ministre dans cette nouvelle configuration. Larcher invoque l’article 20 de la Constitution, selon lequel « le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation », et se dit prêt à rappeler ce principe fondamental aussi souvent que nécessaire. « Le président devra respecter le Premier ministre car nous, les gaullistes, nous respecterons la fonction présidentielle », martèle-t-il.
Michel Barnier : un Premier ministre de longue durée ?
Enfin, interrogé sur la durée potentielle de Michel Barnier à Matignon, Gérard Larcher se montre prudent mais confiant. Selon lui, Barnier devra s’appuyer sur le Parlement et maintenir une proximité constante avec les Français pour réussir. Il conclut en reprenant une formule de Bruno Retailleau : « avançons colline après colline ». La première colline à franchir sera celle du budget, un véritable test pour le nouveau Premier ministre et son gouvernement.