La Géorgie, petit pays stratégique du Caucase, plonge davantage dans la tourmente ce dimanche avec l’investiture de Mikheïl Kavelachvili, un ex-footballeur connu pour ses positions ultraconservatrices et anti-occidentales. Désigné président le 14 décembre par un collège électoral contrôlé par le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, sa nomination est vigoureusement contestée par l’opposition pro-européenne et la présidente sortante, Salomé Zourabichvili.
Une investiture sous haute tension
L’investiture, tenue à huis clos au Parlement pour la première fois dans l’histoire du pays, survient dans un contexte de manifestations quotidiennes pro-européennes à Tbilissi. Ces rassemblements ont été provoqués par les résultats des élections législatives du 26 octobre, que l’opposition dénonce comme entachées de fraudes. Les protestataires, enveloppés de drapeaux géorgiens et européens, exigent de nouvelles élections et la libération des manifestants emprisonnés.
Salomé Zourabichvili, ancienne diplomate française et fervente défenseure de l’adhésion à l’UE, a refusé de céder son mandat, affirmant que seules de nouvelles élections pourraient restaurer la légitimité politique. Samedi, elle a rejoint les manifestants lors d’une chaîne humaine le long de la rivière Koura, symbole de solidarité avec le mouvement pro-européen.
Accusé de dérive autoritaire, le parti au pouvoir est soupçonné d’avoir abandonné son programme libéral initial pour adopter des lois inspirées du modèle russe. Ces lois, qui restreignent les droits des LGBT+, ciblent les médias indépendants et la société civile, suscitent de vives critiques de la part des institutions internationales.
Le Premier ministre Irakli Kobakhidzé a qualifié le refus de Mme Zourabichvili de quitter ses fonctions de « délit passible de lourdes peines d’emprisonnement » et a accusé l’opposition de préparer une révolution avec un soutien financier étranger. « Nous ne céderons pas au chantage libéral-fasciste », a-t-il déclaré vendredi.
Depuis le début des manifestations, la répression policière s’est intensifiée. La police a utilisé des canons à eau et des gaz lacrymogènes pour disperser les foules, tandis que des manifestants ont riposté avec des pierres et des feux d’artifice. Plus de 400 arrestations ont été recensées, et des allégations de torture sur des détenus ont été rapportées par le commissaire géorgien aux droits humains, Levan Iosseliani.
Les sanctions internationales n’ont pas tardé. Washington et Londres ont ciblé plusieurs hauts responsables géorgiens et le milliardaire Bidzina Ivanichvili, fondateur du Rêve géorgien, accusé de manipuler le pouvoir depuis les coulisses. Bruxelles a par ailleurs gelé le processus d’adhésion à l’UE.
L’Europe, une promesse éloignée
La décision du gouvernement de repousser à 2028 l’objectif d’intégration à l’Union européenne a été la goutte d’eau pour une partie de la population, qui voit dans cette adhésion une échappatoire à l’influence russe. « Mikheïl Kavelachvili ne sera jamais notre président, tout comme le Rêve géorgien ne sera jamais un gouvernement légitime », a déclaré Natia, une manifestante de 27 ans.
Pour les opposants au pouvoir, seule une refonte totale des institutions pourrait sortir le pays de cette impasse. Mais face à un gouvernement inflexible et un contexte de tension croissante, l’avenir politique de la Géorgie reste incertain.