Le compte à rebours a commencé pour François Bayrou. À peine arrivé à Matignon, le nouveau Premier ministre doit composer un gouvernement qu’il veut à la fois resserré et fidèle à l’idée d’« intérêt général » défendue par Emmanuel Macron. Cette tâche, ardue en période de tensions politiques et économiques, s’accompagne d’une pression supplémentaire : satisfaire un socle parlementaire fragile et récompenser les personnalités ayant su s’imposer dans le précédent gouvernement.
Un gouvernement Barnier sous le feu des critiques
Si Michel Barnier quitte Matignon après deux mois seulement, son gouvernement n’a pas laissé une empreinte durable. D’après un sondage Elabe, seuls trois ministres – Bruno Retailleau (Intérieur), Rachida Dati (Culture) et Sébastien Lecornu (Armées) – étaient connus de la majorité des Français. Les autres, bien que placés à des postes-clés comme l’Économie ou les Transports, peinaient à émerger, suscitant souvent plus de rejet que d’adhésion.
Face à ce constat, Bayrou devra trancher : conserver les figures emblématiques du gouvernement Barnier ou privilégier un renouvellement drastique pour marquer un nouveau départ.
Parmi les ministres sortants, Bruno Retailleau s’impose comme une figure centrale. Salué pour sa gestion ferme et efficace au ministère de l’Intérieur, il bénéficie du soutien appuyé de Gérard Larcher, président Les Républicains du Sénat, qui a plaidé publiquement pour sa reconduction.
« La crise actuelle impose le dépassement, à condition que cela se fasse dans la clarté et sans reniement », a déclaré Larcher dans un entretien à La Tribune Dimanche. Retailleau, devenu l’un des visages les plus populaires du gouvernement Barnier, apparaît comme un choix logique pour garantir la stabilité et maintenir l’ordre dans un contexte social tendu.
D’autres ministres espèrent également être reconduits, en particulier ceux ayant marqué des points sous Barnier. Astrid Panosyan-Bouvet (Travail), Laurent Saint-Martin (Budget) et François Durovray (Transports) figurent parmi les noms cités pour leur sérieux et leur loyauté.
Pour Laurent Saint-Martin, les arguments de la compétence et de l’expérience budgétaire sont mis en avant. Avec un budget sous pression et des coupes drastiques à prévoir pour 2025, son profil rassure certains au sein de l’exécutif. Cependant, sa responsabilité dans l’échec du précédent budget fragilise sa position.
À Bercy, une bataille féroce est en cours. Si Antoine Armand, ministre sortant de l’Économie, aspire à conserver son portefeuille, les rumeurs désignent Roland Lescure comme favori. Soutenu par Alexis Kohler, le puissant secrétaire général de l’Élysée, Lescure pourrait faire son entrée dans ce ministère clé.
Bayrou : un Premier ministre prêt à imposer sa marque
François Bayrou ne cache pas son ambition de marquer de son empreinte ce gouvernement. Soucieux d’équilibre, il devra composer avec les différentes sensibilités du « socle commun » réunissant Renaissance, les Républicains et d’autres alliés. La réduction du nombre de ministres – ils étaient 41 sous Barnier – complique encore l’équation.
Bayrou souhaite également intégrer des figures politiques en accord avec sa vision. Marc Fesneau, un fidèle de longue date, pourrait être récompensé. Rachida Dati, ministre de la Culture, pourrait quant à elle réussir l’exploit de rester en poste sous trois Premiers ministres successifs, grâce à son aura politique et ses bons rapports avec Emmanuel Macron.
Dans les jours à venir, François Bayrou rencontrera individuellement les chefs de groupes parlementaires pour recueillir leurs attentes. Sa première entrevue sera avec Marine Le Pen, dont le Rassemblement national est devenu le groupe le plus nombreux à l’Assemblée avec 124 députés. Suivront les représentants de Renaissance, La France insoumise et les autres forces politiques.
Ces consultations marquent une étape cruciale pour le nouveau Premier ministre, confronté à l’urgence de stabiliser un paysage politique fracturé tout en répondant aux attentes des Français.