L’Union européenne se dote d’un nouvel organe extrajudiciaire destiné à trancher les litiges entre les utilisateurs et les grandes plateformes numériques comme Facebook, TikTok et YouTube. Baptisé « Centre d’appels Europe » (Appeals Centre Europe), cet organe indépendant devrait entrer en fonction d’ici la fin de l’année 2024. Il aura pour mission de traiter des cas tels que des suppressions de comptes ou des signalements pour incitation à la haine ou harcèlement en ligne. Le centre comprendra sept membres et son objectif principal sera de fournir une solution rapide et accessible aux utilisateurs européens en désaccord avec les décisions prises par ces plateformes.
Le « Centre d’appels Europe » est une initiative qui s’inscrit dans le cadre du règlement européen sur les services numériques (DSA), en vigueur depuis février 2024, qui impose aux grandes plateformes de fournir un recours extrajudiciaire aux utilisateurs pour résoudre les contentieux. Selon Thomas Hughes, ancien directeur du conseil de surveillance de Meta et futur dirigeant de la nouvelle structure, le DSA vise à rééquilibrer les relations de pouvoir entre les utilisateurs, les plateformes numériques et les gouvernements. Il permet aux citoyens européens de contester les décisions liées à la modération des contenus et à la gestion des comptes sur les réseaux sociaux.
Initialement financé par Meta, le Centre d’appels sera toutefois indépendant du conseil de surveillance de cette entreprise, qui a été créé en 2020 pour superviser la modération des contenus de manière indépendante après plusieurs scandales impliquant Facebook. Contrairement à ce dernier, le Centre d’appels Europe sera séparé des plateformes et aura une autonomie totale.
Le fonctionnement du centre se veut simple et peu coûteux pour les utilisateurs : toute personne souhaitant faire appel d’une décision prise par Facebook, TikTok ou YouTube n’aura à payer que 5 euros, somme qui sera remboursée si l’utilisateur obtient gain de cause. De leur côté, les plateformes concernées devront verser 100 euros par dossier soumis à l’examen du centre. À terme, ces frais permettront de financer entièrement le fonctionnement de cette nouvelle instance, garantissant ainsi son indépendance financière vis-à-vis des grandes entreprises technologiques.
Le « Centre d’appels Europe » sera basé à Dublin et a été certifié par le régulateur irlandais des médias. Il n’a pas vocation à remplacer les tribunaux traditionnels, mais à offrir une alternative plus rapide, plus simple et moins coûteuse pour les utilisateurs, tout en préservant la possibilité pour ces derniers de saisir la justice s’ils le souhaitent. Thomas Hughes insiste sur le fait que les procédures judiciaires classiques sont souvent trop lourdes, trop lentes et mal adaptées à la nature des conflits liés à l’ère numérique, ce qui rend cet organe particulièrement pertinent.
Cette initiative intervient dans un contexte où les grandes plateformes numériques sont régulièrement critiquées pour leur gestion de la modération des contenus. Accusées tantôt de censurer des voix, tantôt de laisser prospérer la désinformation, les discours de haine et le harcèlement en ligne, elles peinent à trouver un équilibre entre liberté d’expression et protection des utilisateurs. La Commission européenne a récemment exprimé son inquiétude face à la prolifération de contenus « nuisibles », notamment sur YouTube, TikTok et Snapchat, et les plateformes sont régulièrement rappelées à l’ordre pour ne pas en faire assez en matière de protection des utilisateurs, en particulier les mineurs.
Le « Centre d’appels Europe » pourrait, à l’avenir, étendre ses compétences à d’autres réseaux sociaux et plateformes numériques, renforçant ainsi son rôle dans la régulation de l’espace numérique en Europe. Il représente un pas en avant dans la responsabilisation des plateformes et l’instauration d’un cadre juridique plus protecteur pour les utilisateurs.