EXCLU – Richard Gere : « Beaucoup l’attendent, mais des retrouvailles à l’écran entre Julia Roberts et moi, ça n’arrivera pas… »

Entrevue 1

Révélé en 1980 dans American Gigolo, réalisé par Paul Schrader, Richard Gere retrouve le même réalisateur 44 ans plus tard dans le film Oh, Canada, qui sort ce mrecredi au cinéma. Un film qui raconte l’histoire d’un écrivain qui, à la fin de sa vie, raconte sa décision d’être parti au Canada pour éviter de faire la guerre du Vietnam. À cette occasion, Richard Gere nous parle de son nouveau rôle et de l’influence que peut avoir, selon lui, le milieu du cinéma   dans les conflits actuels, ainsi que l’impact que peut avoir une guerre dans la réalisation d’un film. À la fin de l’interview, le héros de Pretty Woman a également mis fin aux espoirs de le revoir à l’écran avec Julia Roberts… 

Bonjour Richard. Qu’est-ce  que ça fait d’être de nouveau dirigé par Paul Schrader, qui avait été votre réalisateur pour American Gigolo, l’un de vos premiers films, en 1980 ? 
Richard GERE : Eh bien, je n’ai pas changé du tout depuis 44 ans ! ( Rires ) Je me souviens que lorsque nous travaillions ensemble au début des années 1980, on regardait beaucoup de films et il me montrait ceux avec Alain Delon. C’est en regardant des films d’Alain Delon que j’ai appris comment jouer les séducteurs à l’écran. Alain Delon m’a vraiment inspiré pour jouer ce genre de personnages. 

Comment s’est passée votre collaboration avec Jacob Alordi, qui joue votre personnage plus jeune ?
C’était la première fois que je rencontrais Jacob. Et il m’a beaucoup rappelé mon fils, ce qui était génial. Il devait jouer moi mais en plus jeune. Il m’a dit qu’il avait regardé quelques-uns de mes premiers films, quand j’avais à peu près le même âge que lui. J’ai senti qu’il dégageait une chaleur et une humilité incroyable…

Dans American Gigolo vous jouiez un personnage super sexy. Dans Oh, Canada, 45 ans plus tard, vous incarnez  une personne en fin de vie. Au cours des années qui se sont écoulées entre ces deux films, qu’est-ce qui a changé dans votre vie, votre carrière, et pensez-vous souvent au temps qui passe ?
Qu’est-ce qui a changé dans toute ma vie ? C’est ce que vous me demandez ? ( Rires ) C’est une longue discussion ! Pour répondre sur le temps qui passe, vous savez, je ne pensais pas du tout à moi en jouant ce personnage en fin de vie. Mais, comme je l’ai dit dans certaines interviews, mon père est décédé deux mois avant que Paul ne me propose le projet, et ce film m’a fait penser à lui. Mon père avait presque 101 ans. Il lui manquait à peine quelques semaines pour atteindre 101 ans. Il vivait avec moi, mes enfants et ma femme. Il était dans un fauteuil roulant et il était clairement dans ses derniers jours, il divaguait à certains moments. C’est un peu comme si le temps disparaissait, et j’ai voulu retranscrire cela dans le film. La notion de temps à tendance à disparaître quand on avance dans la vie… 

Dans le film, votre personnage réfléchit à fuir au Canada plutôt que de combattre au Vietnam. La guerre est malheureusement un sujet d’actualité. Pensez-vous que le cinéma et les stars d’Hollywood peuvent aident les peuples à se réconcilier ? 
Je dirais que nous sommes tous simplement de passage sur cette Terre. Nous sommes tous des êtres humains égaux sur cette planète, et nous sommes tous dans le même bateau. J’imagine que dans votre question, vous faites référence au monde dans lequel nous vivons actuellement. Je pense que les problèmes surviennent lorsque nous ne pouvons pas communiquer les uns avec les autres en tant qu’êtres humains. Si les êtres humains savaient mieux communiquer entre eux, les problèmes et les guerres disparaîtraient littéralement. Et je pense que oui, grâce au cinéma, nous, les acteurs ou réalisateurs, on a un rôle à jouer, même si c’est moins facile dans certains pays. 

Justement, quels seraient vos conseils aux cinéastes dans les pays déchirés par la guerre, où exercer son métier n’est pas forcément facile ?
C’est une très bonne question. Je vais être aussi court que possible, car c’est un sujet vaste, mais les guerres ne sont pas forcément un obstacle pour le cinéma : par exemple, les années soviétiques furent les meilleures années du cinéma russe. Et cela s’explique en partie par le fait qu’en raison de la répression et de l’oppression, les artistes ont dû trouver des moyens de communication plus subtils. Et des films vraiment extraordinaires ont été réalisés sur des sujets très difficiles dans l’ex-Union soviétique. Et puis quand la situation s’est améliorée, que le pays est devenu beaucoup plus corporatif et capitaliste, les films n’étaient plus aussi bons, ils se contentaient d’imiter des films occidentaux stupides. Ça prouve qu’il n’est pas nécessaire d’avoir de gros budgets pour faire de bons films, et que le cinéma, ce n’est pas qu’une question d’argent, c’est aussi une question d’avoir quelque chose à dire. Donc mon conseil aux cinéastes qui vivent dans des pays ravagés par la guerre : purifiez votre cœur et ouvrez votre esprit autant que vous le pouvez et soyez courageux. Quand la générosité d’esprit transparaît à travers l’art, ça lui donne une grande valeur. On le voit avec de très grands films qui sont réalisés au Moyen-Orient, même si malheureusement, les réalisateurs ne sont pas assez mis en valeur. 

Pour revenir à votre film, votre personnage choisit de ne pas aller au Vietnam. Et vous, que feriez-vous si on vous demandait de vous battre pour votre pays ? 
C’est une question difficile. Est-ce qu’on est prêt à faire la guerre, est-ce qu’on est prêt à prendre une arme à feu ? Est-ce qu’on est prêt à mourir ? Et cette question sera toujours difficile. Et puis, autre question se pose si je devais aller à la guerre : suis-je capable de tuer quelqu’un ? Jusqu’où je suis prêt à aller pour défendre ma famille ? C’est difficile de répondre à ça. Et encore plus quand il s’agit d’une guerre injuste. Dans le film, il est question de la guerre du Vietnam. En y repensant, c’était une guerre injuste, nous ne connaissions même pas ces gens. C’est selon moi une guerre stupide dans laquelle Henry Kissinger nous a impliqués à travers des mensonges. C’était de la folie. 

Si votre pays était envahi, vous pensez que vous vous poseriez moins de questions ?
Je pense en effet que quand vous vivez dans un pays qui a été envahi, bombardé et pillé, vous vous posez peut-être moins de questions. En encore, même dans ce cas-là, est-on quand même capable de tuer quelqu’un d’autre ? Nous nous posons tous cette question et il n’y a pas de réponse… 

Dans le film, on voit votre personnage mourir, et la scène est très émouvante. On a l’impression que votre émotion n’est pas jouée, mais réellement vécue…
J’ai pensé à mon père durant cette scène. Vous savez, comme je l’ai dit, mon père est décédé quelques mois avant le tournage. Ça a été difficile. Quand il est parti, je voulais l’embrasser autant que possible. Il se trouve que je ressemble à mon père, et c’était un peu bizarre, car avec le processus de vieillissement utilisé pour le film, je voyais à la fois mon père et ce à quoi j’allais ressembler dans quelques années, en supposant que je vive aussi longtemps que mon père. C’est sans doute pour cela que l’émotion se ressent à l’écran.

Voir les années qui passent, ça vous fait cogiter ?
Ce qui est étrange quand on est acteur, c’est qu’on voit sa vie et le temps qui passe défiler à travers la caméra. J’avais 26 ans quand j’ai commencé à faire des films. Quand je reçois un prix lors d’un festival de cinéma ou autre, et qu’ils diffusent une compilation de mes films, c’est une expérience vraiment bizarre. On voit toute sa vie défiler en deux minutes. Je vois mes personnages, qui n’ont pas changé, mais je me vois moi, qui ne suis plus le même homme… Le cinéma rend vos personnages éternels, mais vous, contrairement aux rôles que vous incarnez, vous ne l’êtes pas…

Pour terminer sur une note plus légère, durant votre carrière, un duo a marqué les esprits, celui avec Julia Roberts et vous dans Pretty Woman. Y a-t-il une chance qu’on vous revoit tous les deux dans un film ?
Vous ne me croirez pas, Julia Roberts vient de m’appeler, c’est incroyable ! Non, je plaisant ! ( Rires ) Garry Marshall ( réalisateur de Pretty Woman, décédé en 2016 Ndlr. ) était le ciment de ce duo. Et les retrouvailles entre Julia et moi à l’écran ne peuvent pas se faire sans Garry. Ce film, Pretty Woman,  et ce duo, c’était un moment de magie, un moment hors du temps, mais c’est le genre de moment qui ne se produit qu’une seule fois. Julia et moi, on a évolué, chacun a tracé sa route, chacun a évolué, et on ne pourrait jamais reproduire la même magie, la même spontanéité. Et en plus de ça, nous n’avons plus Garry Marshall pour maintenir ce duo : sa légèreté, son sens de l’humour, son romantisme. Donc je sais que beaucoup l’attendent, mais des retrouvailles à l’écran entre Julia Roberts et moi, ça n’arrivera pas…

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Entré à la rédaction d’Entrevue en 1999 en tant que stagiaire avant d'en devenir le rédacteur en chef en 2014, Jérôme Goulon a dirigé le service reportages et réalisé de grosses enquêtes en caméra cachée et d’infiltration. Passionné de médias, d’actualité et de sport, il a publié de nombreuses interviews exclusives. En parallèle, il apparaît régulièrement depuis 2007 à la télévision sur différentes chaînes ( TF1, France 3, M6, C8, NRJ 12, RMC Story ), notamment sur les plateaux de Jean-Marc Morandini et Cyril Hanouna. Il a également été chroniqueur pour Non Stop people (groupe Canal+) et sur Radio J. 

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