EXCLU – Nelson Monfort : « Si je n’étais pas amené à travailler sur les Jeux, je ne suis pas sûr que je resterais à Paris pendant les JO. »

Entrevue 1

Figure incontournable de la télévision française depuis près de 40 ans pour ses interviews, ses talents de polyglotte et ses commentaires du patinage artistique, Nelson Monfort, 71 ans, est toujours très actif. Après avoir été à l’affiche d’une pièce de théâtre avec Philippe Candeloro, il commentera les JO de Paris 2024 sur France Télévisions, pour terminer sa carrière en apothéose. Sourire en coin et le regard malicieux, Nelson Monfort sest livré pour Entrevue ! Découvrez ici l’intégralité de cet entretien.

Entrevue : Maître des interviews, qu’est-ce que cela vous fait quand les rôles sont inversés ? 
Nelson Monfort : Je réponds avec autant de sincérité que lorsque je pose les questions, donc même si les rôles sont inversés, ça ne me pose aucun problème ! 

Parlez-nous de votre métier justement…  
Il y a deux choses qui m’ont aidé dans mon métier : la culture générale et évidemment les langues étrangères. Je ne suis pas un journaliste sportif, je suis un journaliste curieux des belles choses de la vie, et surtout j’essaye d’être un passeur d’émotions.

Quelle discipline vous donne le plus d’émotions ? 
Celle que je préfère regarder, et commenter, c’est le patinage artistique ! C’est un sport que j’aime depuis toujours. 

Quel est le plus difficile quand on commente ?
Cette réponse va sans doute vous amuser ou vous surprendre, mais elle est très sincère : le plus difficile dans le métier de commentateur, c’est de savoir se taire… Le public ne reprochera jamais à un commentateur de ne pas assez parler… 

Certains sportifs sont parfois timides devant un micro. Quel est le secret pour une interview réussie ?
Je pense qu’une interview peut être réussie ou ratée avant même la première question. Dans la manière d’accueillir et de faire sentir à l’interlocuteur qu’il est le bienvenu, je sais en général si ça va bien se passer. L’expérience emmagasinée fait le reste. 

Quel est votre meilleur souvenir ?
Les JO de Londres en 2012, et en particulier le relais 4x100m messieurs. Avec le relais, on voit la force d’une nation. L’équipe de France remporte cette épreuve, ça a été un moment de grâce… Et quand les quatre relayeurs viennent me souffler « Tu es comme notre cinquième relayeur » après l’interview, je me suis dis que ce métier vaullait la peine d’être vécu.

Et votre pire souvenir ?
Mon pire souvenir ? Mon interview de Maria Sharapova après sa victoire à Roland-Garros. Je m’approche d’elle pour faire l’interview et elle me dit : « Attendez, je dois mettre ma montre ! » Je ne comprenais pas très bien, car seule sa tête était filmée, pas ses poignets. L’interview commence et là, je la vois qui commence à se gratter la tête, se gratter les cheveux, etc. Elle venait de mettre sa montre pour qu’elle se voie. Je trouve que c’est tellement non spontané et calculé. Je ne sais si c’est mon pire souvenir, mais ça illustre tout ce que je n’aime pas en matière de sport. Ce n’est pas très noble… 

Roland-Garros, c’est le tournoi qui a fait de vous une star ?
Je dirais que ce tournoi est probablement l’événement qui fait le plus pour ma carrière. Je suis représentatif de ce tournoi, même si j’ai fait beaucoup d’autres choses ! Depuis plus de 30 ans, il m’a permis de connaître tour à tour toutes les générations des plus grands joueurs de tennis de ce monde et d’avoir avec eux, je pense, une très belle complicité. J’ai coutume de dire parfois cette phrase : « L’été commence à Roland-Garros ». Pour moi, c’est un tournoi talisman, un tournoi porte-bonheur. Roland-Garros, c’est la France dans ce qu’elle a à offrir de meilleur.

Un sujet est de plus en plus au cœur de l’actualité, à savoir le #MeToo dans le sport. Vous en pensez quoi ?
Si c’est sans exagération, sans exploitation, ça fait évidemment beaucoup de bien. Le problème, c’est que tout se retrouve dans les médias et sur les réseaux sociaux que j’appelle volontiers « fléaux sociaux ». Et ça, vraiment, ça me gêne davantage. 

Vous pensez que certaines disciplines méritent plus que d’autres d’être surveillées ? 
Non ! Je crois malheureusement que c’est la même chose dans beaucoup de sports, hélas, et que certains sports, comme le cyclisme pour le dopage, ou la gymnastique et le patinage artistique, que je connais bien, font figure de boucs émissaires. Et ça, ça ne me plaît pas. Je pense malheureusement que le pire de la nature humaine est présent dans beaucoup de sports, si ce n’est tous les sports. 

Votre duo avec Philippe Candeloro, aux commentaires du patinage artistique, est devenu iconique. Dès votre rencontre, ça a été l’amour fou ? 
Pas tout de suite, non. Je l’avais connu comme patineur et il avait signé un contrat d’exclusivité avec une chaîne concurrente. Du coup, il n’avait pas le droit de répondre à mes questions. Mais une fois qu’il est devenu commentateur, là, je dirais que ça a été un régal ! 

Quels rapports entretenez-vous avec lui aujourd’hui ?
C’est un très très grand ami, presque un petit frère. 

Justement, on vous a retrouvé dans un projet commun, le spectacle Ça patine à Tokyo. Parlez-nous de cette pièce…
C’est une comédie policière qui se passe à Tokyo, dans le cadre d’un championnat du monde de patinage. On découvre ce que l’on croit être le corps inanimé d’un patineur français qui joue le titre le soir même contre un patineur japonais. Et donc il y a toute une série de rebondissements. C’est une comédie, ce qui fait que ce spectacle est un régal.

Qu’est-ce qui vous anime le plus en ce moment ? 
La passion. Sinon je ne serais plus là. On me demande parfois, après 30 ans de carrière, comment je fais, mais la passion ne m’a jamais quitté et les téléspectateurs me le rendent bien. 

Les JO en France, vous en rêviez ? 
Oui ! C’est une belle responsabilité en plus, c’est un beau challenge. J’espère que ça se passera bien et je suis raisonnablement confiant. 

La France a-t-elle une chance de remporter de nombreuses médailles ? Sur quelles disciplines vous misez ?
Des sports comme l’escrime ou le judo. Des sports aussi peut-être un peu plus confidentiels comme le tir ou le canoë-kayak pourraient sourire à nos couleurs. Maintenant, je ne suis pas naïf… Les deux ou trois grands sports olympiques rois sont l’athlétisme, la natation, et là, c’est plus difficile. Je pense quand même que la France devrait s’en tirer honorablement au classement des médailles et devrait apparaître dans les 10 premiers. 

Vous déplorez les gros écarts de salaires au sein des disciplines ? 
Oui. Ça, j’en fais même un combat. Ma voix est une goutte d’eau dans l’océan. Des athlètes français, en particulier dans d’athlétisme, vont défendre nos couleurs aux JO et vivent avec 2 000€ par mois. Je trouve ça complètement anormal, voire même scandaleux. Surtout par rapport à des rémunérations qui sont totalement extravagantes dans d’autres sports…

Quelles épreuves allez-vous commenter durant les JO ? 
Je suis très heureux car je vais commenter les deux principales épreuves olympiques que sont la natation et l’athlétisme, qui sont vraiment les sports olympiques rois. Je vais avoir également une séquence qui me tient très à cœur pour faire découvrir les monuments de Paris et m’intéresser aux olympiades culturelles.

Que pensez-vous des différentes polémiques autour de l’organisation de cet événement ?
Aujourd’hui, on ne parle que de transport et de sécurité. Surtout de sécurité d’ailleurs. On ne parle pas du tout des enjeux sportifs. Et puis il y a quelque chose qui me choque : je n’ai pas vu la moindre boutique olympique dans Paris ! Pas la moindre. Que ce soit dans les aéroports, dans les gares où il y a 500 000 personnes qui passent par jour… Dans tous les jeux précédents, à Athènes,  Londres ou Sydney, trois ans avant, il y avait des boutiques ! Je ne comprends pas… 

Est-ce qu’il fera bon vivre à Paris pendant les JO selon vous ?
Je ne suis pas sûr de ça ! ( Rires ) Si je n’étais pas amené à travailler sur les Jeux avec un grand bonheur, je ne suis pas sûr que je resterais à Paris pendant les trois semaines des JO. Sinon, je dois admettre quand même que je suis très heureux d’habiter à Paris, car il y a quelque chose qui est absolument incomparable ici, à savoir les spectacles, le théâtre, la musique, la culture. Ça accompagne ma vie. 

Des documents relatifs à la sécurité ont été volés. Les JO représentent un danger selon vous?
Il est évident que les JO représentent une cible potentielle, ça, c’est certain. Maintenant, je suis plutôt d’un tempérament optimiste. Vous savez, autrefois, sous la Grèce antique, on parlait de trêve olympique… J’espère que cette trêve olympique prendra tout son nom. Et puis j’ajoute que j’entends parler de centaines de milliers de forces de l’ordre, il va falloir quand même être assez fort pour passer entre les mailles de ce filet-là. 

Vous qui côtoyez les sportifs depuis des décennies, vous auriez aimé être vous-même un grand sportif ?
Non. J’aurais aimé être un grand chanteur ! La chanson accompagne ma vie et je n’hésite pas à parler de « goût d’avant » ( Rires ) Je considère que Georges Brassens est peut-être un artiste supérieur à pas mal de ceux que l’on entend aujourd’hui.

Vous faites quand même du sport ? 

Oui ! Alors évidemment, les années passent ( Rires ), mais je fais du ski et du patinage depuis mon plus jeune âge. J’hésiterais à qualifier mon patinage d’artistique, mais Philippe Candeloro m’a donné des leçons de patinage gratuitement, ce qui va à l’encontre de sa réputation ! ( Rires )

Quel athlète vous a le plus impressionné en interview ?  
Celui qui m’a le plus impressionné, de par sa gentillesse, son altruisme et sa superbe éducation, c’est Rafael Nadal. Il a toujours un mot gentil pour le public, pour son adversaire, pour les ramasseurs de balles. C’est vraiment un seigneur et un gentleman. 

Pour finir, y a-t-il un sportif que vous aimeriez interviewer, mais que vous n’avez jamais eu à votre micro ?
Oui, mais ils sont décédés. Il s’agit des pilotes de Formule 1 français François Cevert et Didier Pironi. Ces deux coureurs-là étaient flamboyants, charismatiques. J’aurais aimé les approcher. Sinon, il y en a un autre qui m’a toujours manifesté une amitié formidable, c’est Jean-Claude Killy. Il m’a dit un jour «J’aurais aimé que tu sois à mes côtés pour suivre ma carrière.» Venant d’un champion comme lui, ça m’a vraiment beaucoup touché…

Propos recueillis par Marie Giancani

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Entré à la rédaction d’Entrevue en 1999 en tant que stagiaire avant d'en devenir le rédacteur en chef en 2014, Jérôme Goulon a dirigé le service reportages et réalisé de grosses enquêtes en caméra cachée et d’infiltration. Passionné de médias, d’actualité et de sport, il a publié de nombreuses interviews exclusives. En parallèle, il apparaît régulièrement depuis 2007 à la télévision sur différentes chaînes ( TF1, France 3, M6, C8, NRJ 12, RMC Story ), notamment sur les plateaux de Jean-Marc Morandini et Cyril Hanouna. Il a également été chroniqueur pour Non Stop people (groupe Canal+) et sur Radio J. 

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