EXCLU – Interview de Grégory Zaoui, cerveau des « Rois de l’arnaque »
« Pendant ma cavale, je passais souvent en scooter devant la prison de la Santé pour suivre l’avancement des travaux avant de me rendre. »
Grégory Zaoui est le cerveau de la fraude à la TVA sur les quotas de CO2. Considérée comme l’arnaque du siècle, cette gigantesque escroquerie fait l’objet d’un documentaire actuellement disponible sur Netflix, « Les Rois de l’arnaque », dans lequel Grégory Zaoui, Marco Mouly et leurs autres complices témoignent. Entre novembre 2008 et juin 2009, ils ont réussi à détourner des milliards d’euros, avant d’être rattrapés par la justice. Aujourd’hui libres, ils sont considérés par certains comme des héros et suscitent à la fois sympathie et admiration. Nous avons rencontré Grégory Zaoui, qui se livre sans langue de bois sur cet énorme scandale et ses conséquences sur sa vie…
Interview réalisée par Jérôme Goulon (Twitter @JeromeGoulon)
Jérôme Goulon : Le documentaire Netflix est un vrai succès, alors qu’il y a peu de promo. ça a été une surprise pour vous ?
Grégory Zaoui : Oui, totalement. L’agréable surprise, ça a été en effet ce succès. Je ne pensais pas que des millions de gens à travers le monde seraient au rendez-vous. Je remercie tous ceux qui nous ont regardés, et qui nous ont envoyé des messages et des témoignages.
Des messages positifs ?
Oui ! Je remercie tous les messages d’empathie à mon égard, pour certains des messages d’amour, de sympathie et d’admiration. Même si je considère que dans ce que j’ai fait, il n’y a rien d’admirable. Pour moi, les gens qu’on doit admirer, ce sont les aides-soignants les médecins ou encore les pompiers de ce pays. C’est comme ça… Je pense que les gens voient en nous une forme de Robin des Bois, même si l’argent n’a pas été redistribué à des pauvres. Il faut avoir l’honnêteté de le dire. En tout cas, je tiens à dire merci. Ça fait toujours du bien de recevoir ce type de message plutôt que des coups de bâton.
C’était une surprise pour vous et les autres protagonistes de recevoir des messages d’admiration ?
Totalement ! Je m’attendais à ce qu’on se fasse massacrer !
Et comment l’expliquez-vous ?
Je ne me l’explique pas, mais je pose la question à chaque fois que les gens nous en parlent. Je leur demande ce que ce film-là leur procure. Et ils me disent : « Je l’ai vu quatre fois, je l’ai vu six fois ». Le compliment qui revient en permanence, c’est sur notre sincérité et notre authenticité. On nous dit : « Vous êtes vrais, vous êtes tombés, vous avez souffert et vous êtes en train de vous relever. » Et ça, ça parle aux gens.
C’est l’argent de l’État qui a été volé. C’est pour ça que a finalement, il y une admiration pour vous plutôt qu’une détestation ?
C’est exactement ça. Les gens ont un côté admiratif, parce que pour eux, l’État, c’est le grand méchant loup. Et on récupère ce qu’il nous prend. Je n’adhère toutefois pas à ça. Vous savez, les jugements correctionnels, ils sont rendus au nom du peuple français. Mais il y a un vrai décalage entre les condamnations qu’on a pu avoir et les milliers de témoignages que je reçois aussi bien sur les réseaux sociaux que dans la rue…
Revenons à la genèse de ce documentaire Netflix. Comment est né ce projet ?
On est venu vous chercher. On nous a fait une proposition qu’on n’a pas pu refuser.
Une proposition financière ?
Non. On n’a pas été payés, ni Marco, ni moi, ni aucun autre protagoniste. Tout a commencé en 2018. Marco était en détention. De mon côté, j’étais à Paris en cavale, et je me cachais. Avec Marco, on se parlait au téléphone. Il avait un téléphone dans sa cellule. Un soir, il m’a dit qu’il avait été contacté par Olivier Bouchara, rédacteur en chef de Vanity Fair, et un producteur, Benjamin Elalouf, qui voulait faire un film sur l’histoire du carbone. Marco m’a dit : « Toi, tu es dehors, va les rencontrer ! ». Je vais donc les rencontrer, et c’est là où ils me parlent de ce projet…
Et si vous n’étiez pas payés, en quoi la proposition n’était pas refusable ?
Ils nous ont dit que de toutes les manières, avec ou sans nous, ils feraient le documentaire. Mais que si c’était nous qui étions dans le documentaire, on pourrait dire ce qu’on a envie de dire et donner notre version des faits sans que personne puisse la déformer.
Vous avez accepté rapidement ?
Non, on n’a pas tout de suite donné notre accord. J’ai réfléchi parce que sur le moment, je ne voyais pas l’intérêt. À ce jour, je n’ai d’ailleurs pas encore récolté véritablement les fruits de ce documentaire. On a finalement accepté. Pendant le tournage, il y a eu 70 heures de captation pour un résultat de 1h45. Il y a eu beaucoup de scènes coupées. Ils ont des scènes très intéressantes. Il y a largement de quoi faire des bonus sur une version longue.
Vous avez participé au montage du film ?
Non. On n’a même pas vu le film en avant-première. On a découvert le film au moment de sa sortie.
Et au final, pas de mauvaise surprise ?
Au départ, je ne voulais pas le voir, parce que j’étais contrarié par certaines choses. Puis mon fils m’a conseillé de le regarder. Et j’ai été scotché. Après, là où on s’est fait peut-être un peu abuser, c’est que ça été plus tourné comme un film que comme un documentaire, alors que les deux producteurs, Gaumont et Benjamin Elalouf, nous ont vendu le projet comme un documentaire. On aurait donc peut-être pu prétendre à un cachet.
Beaucoup de choses ont été dites sur l’arnaque à la TVA, mais que peut-on retenir de ce documentaire ?
Ce que découvre le public aujourd’hui, c’est la technicité de l’arnaque, et comment elle a pu être possible, grâce notamment à la négligence et l’incompétence de la Caisse des Dépôts et consignations. D’ailleurs, dans mon dossier judiciaire, j’ai eu deux parties civiles : l’État français et la Caisse des Dépôts. Et cette dernière ne m’a demandé qu’un euro symbolique. Ce que les gens découvrent, c’est comment l’État a pu, par l’intermédiaire de la Caisse des Dépôts, laisser passer un truc pareil…
Personnellement, vous avez réussi à gagner combien d’argent avec cette arnaque ?
Sincèrement, je ne le sais pas moi-même. On était dans l’euphorie du système, on ne tenait vraiment une comptabilité.
C’est difficile à croire…
Je ne suis pas en train d’essayer d’esquiver la question, mais véritablement, vous êtes dans une euphorie ou vous avez de l’argent qui rentre en permanence assez facilement. À partir du moment où tous les systèmes sont mis en place, ça ne s’arrête pas. Donc vous en dépensez beaucoup, vous investissez aussi beaucoup, mais je n’en tenais pas une comptabilité avec une rigueur parfaite. On se dit que ça marche, on vit plus que très bien, on fait vivre tous les gens autour de nous très bien. On gâte les gens qu’on aime… Mais en toute honnêteté, je ne pourrais pas vous dire combien n a gagné au total.
Quels rapports aviez-vous avec l’argent ? Vous étiez un flambeur ?
J’avais déjà gagné beaucoup d’argent bien avant le carbone, et le carbone a été ma chute. Je n’ai pas attendu le carbone pour m’acheter des Rolls et des voitures. Le carbone, c’était autre chose. C’était accéder à un autre statut, puisqu’avant l’arnaque au CO2, j’avais un statut complètement légal établi à Paris. Je gagnais de l’argent. Mais à ce moment-là de ma vie, l’argent était devenu pour moi une valeur. Et quand l’argent devient une valeur pour quelqu’un, c’est là où vous vous perdez.
Si vous gagniez déjà beaucoup d’argent, pourquoi vous lancer dans l’arnaque au CO2 ?
C’était une continuité de ce que je savais faire, notamment dans la téléphonie, avec tous les avantages, sans les inconvénients. Avant le carbone, il fallait travailler beaucoup plus. Il y avait beaucoup plus d’intervenants. Il y avait beaucoup plus de risques en termes de commerce, parce qu’il y avait un risque de vol, de détournement d’argent par des fournisseurs et des clients. Or, avec le carbone, toute cette problématique-là n’existait pas, parce qu’on vendait des biens totalement immatériels, des tonnes de CO2. Donc c’est pour ça que j’ai mis les gants dans le CO2, et je n’aurais jamais dû le faire…
Qu’est-ce qui a précipité votre chute ? Vous vous êtes senti intouchable?
Ma chute, sans prétention, ça n’a pas été dans ma gestion et la manière dont j’ai articulé tout ce que j’ai fait. Ma chute résulte du choix de certaines personnes en qui j’ai fait confiance, mais qui au final m’ont amené les problèmes avec la police et la justice… Si j’étais resté aux commandes, je ne pense pas que j’aurais eu tous ces problèmes. Ça a été ma première erreur. Ma deuxième erreur a été de me dire que la Caisse des Dépôts était tellement impliquée que l’État ferait tout pour étouffer cette affaire, comme on met la poussière sous le tapis… Mais ça n’a pas été le cas.
Et les personnes qui ont précipité votre chute, vous leur en voulez ?
C’est difficile de répondre à ça. J’ai accepté tout ce qui m’est arrivé. Je l’ai mérité.
Financièrement, vous en êtes où ?
Je suis totalement ruiné. J’ai des dettes.
C’est difficile à croire. Comment peut-on être assez malin pour détourner des milliards et avoir tout perdu ? Vous n’avez pas mis d’argent de côté ?
Tout le monde pense ça, je le sais. Il y a d’ailleurs quelque chose qui m’a fait rire : quand je suis passé à TPMP, on m’a dit : « Bien joué le coup de la montre ! », parce que j’avais une montre bas de gamme au poignet, comme pour faire croire que je n’ai plus rien. Les gens sont persuadés que je cache mon argent. Mais moi, je sais ce qui bout dans ma marmite. La seule chose que je peux vous dire, c’est que pendant près d’une décennie, on a eu sur le dos les plus grands magistrats de France, le Parquet National Financier, les plus grands juges d’instruction. Ils ont été aux quatre coins du monde pour perquisitionner les banques, les cabinets d’avocats, de comptables. On avait nos sociétés à l’étranger. Et tout ce qu’ils ont trouvé, ils l’ont saisi… Je mets au défi tous ces gens, qui pensent qu’on a pu planquer de l’argent, de trouver quelque chose de plus…
Quand on a eu beaucoup d’argent et qu’on se retrouve sans rien, comment le vit-on ?
Pour moi, la liberté n’a pas de prix. Je me considère plus riche qu’avant, parce que j’ai vécu deux périodes de cavale. C’est moi qui ai décidé à deux reprises de me rendre volontairement, on ne m’a pas mis la main dessus. Je connaissais bien les mécanismes d’investigation de la police. Ils n’ont pas réussi à me mettre la main dessus. Ils n’ont jamais cru que j’étais en cavale à Paris, alors que j’étais à Paris, dans le 13e arrondissement. Ça a duré 18 mois. Attention, je ne fais pas le malin. Je tremblais de peur. J’avais tout un protocole que je respectais minutieusement, comme un militaire, pour éviter le drame. Je rasais les murs. J’étais ultra discret et heureusement, ça s’est bien passé pour moi. Mais j’avais un but, c’était de me rendre. Aujourd’hui, je vous le dis, je me sens riche de ma liberté, une liberté quasi totale car je suis encore sous le régime de la liberté conditionnelle. Et c’est grâce à cette liberté-là et aujourd’hui, par chance, grâce au succès du documentaire Netflix, que je compte bien rebondir. Et je voudrais rebondir de manière assez surprenante.
Quels sont vos projets pour rebondir ?
Mon premier projet, c’est d’être réhabilité et de pouvoir rembourser ma dette rapidement. Il y a un exercice que j’aime beaucoup, c’est de donner des conférences dans des grandes écoles. J’aimerais aussi donner une conférence à l’École Nationale de la Magistrature. J’attends des réponses. En tout cas, aujourd’hui, je me sens libre et serein.
Plus serein qu’avant ?
En effet. J’ai gagné beaucoup d’argent, mais je n’étais pas serein. Je ne dormais pas bien la nuit. Je n’étais pas tranquille et aujourd’hui, je suis serein. Je n’ai jamais été dans cet état d’esprit. C’est une nouveauté pour moi, et c’est une grande richesse. Le fait d’avoir cette sérénité m’apporte beaucoup, me donne de la force mentale. Je n’ai plus besoin de me retourner derrière moi. Je n’ai plus besoin d’avoir peur d’être écouté, même si je dois certainement l’être. Mais ça ne pose pas de problème avec ça. Et ça, pour moi, c’est une richesse que je n’ai pas connue depuis mon adolescence.
Je voudrais revenir sur votre période de cavale. Vous dites que c’est vous qui avez décidé de vous rendre. Qu’est ce qui vous a motivé à prendre cette décision ?
La fin des travaux de la prison de la Santé ! Au total, j’ai eu trois périodes détention. Lors de ma première période de détention, j’étais à la Santé avant sa rénovation. Et ça a été une catastrophe. Nous étions quatre en cellule, avec seulement trois douches par semaine, sans frigo, sans moyen de réchauffer sa nourriture. Il y avait des souris en cellule. Ensuite, j’ai été incarcéré à Fresnes, en 2016, où là aussi, les conditions étaient épouvantables. Nous étions trois par cellule, avec des punaises de lit et des rats qui faisaient la taille d’un chat. J’ai fait deux tentatives de suicide aux médicaments, tellement je n’en pouvais plus des conditions de détention qui étaient inhumaines. Donc, j’ai attendu la fin des travaux de la Santé pour me rendre. Je voulais être dans des conditions de détention récentes…
C’était quand ?
La Santé a rouvert la première quinzaine de 2019. L’anniversaire de ma fille était le 21 janvier. J’ai fêté son anniversaire avec elle de manière clandestine, puis je me suis rendu le 6 février 2019.
Mais vous étiez sûr d’aller à la Santé ?
C’était le deal. C’est la seule chose que j’ai demandée lors de ma reddition. Mon avocat a été voir le PNF et leur expliqué ma condition pour me rendre. Pour l’anecdote, la justice pensait que je me cachais à l’étranger, alors que j’étais en France.
Concernant les conditions de détention, certains disent que les condamnés n’ont qu’à pas faire de bêtise. Qu’est ce que vous leur répondez ?
La France, c’est un État de droit qui a écrit la Chartre des droits de l’homme. À partir de là, on ne peut pas raisonner comme ça. Nous ne sommes pas dans un État totalitaire. Il y a un standard européen sur les conditions de détention, et il y a très peu de prisons en France qui sont aux normes.
Vous vous seriez vraiment rendu plus tôt si les travaux de la Santé avaient été finis avant ?
Oui, j’y serai rentré beaucoup plus tôt. J’attendais ! Pour info, pendant ma cavale, je passais souvent en scooter devant la prison de la Santé pour suivre l’avancement des travaux avant de me rendre. La Santé a rouvert début janvier, et je me suis rendu le 6 février. Je voulais en finir de cette histoire-là.
Si tout était à refaire aujourd’hui ?
Non, je ne le referais pas. En fait, il n’y a qu’une chose que je referais, c’est la petite fille que j’ai eu. Elle a été conçue pendant la période noire que j’ai vécue… Je reçois des messages de gens qui me disent que j’ai eu raison de monter cette arnaque, mais ils ne voient pas l’envers du décor. Il faut assumer le SAV, c’est-à-dire les années de prison. Les gens ne voient que le strass et les paillettes. La prison, ça engendre plein de dommages collatéraux. La famille part en lambeaux, vous ne voyez plus vos enfants grandir… J’ai compris que j’avais raté un tas de trucs.
« Si je n’avais cette lumière venue de Netflix, si je n’étais pas solide dans ma tête, je pense que je replongerais… »
Concernant la prison, la réinsertion dans la société des détenus est souvent problématique. Quel regard avez-vous là-dessus ?
Il y a en effet beaucoup de récidives. À titre personnel, si aujourd’hui, je n’avais pas un carnet d’adresses, si je n’avais cette lumière venue de Netflix, si je n’étais pas solide dans ma tête, je pense que je replongerais. D’autant que je suis condamné définitivement à ne plus pouvoir administrer, gérer une société ou avoir une activité commerciale. Or, c’est tout ce que je sais faire. Je suis autodidacte, je n’ai pas fait d’études, j’ai bac moins 3. Donc tout ce que j’ai su faire, je n’ai plus droit de le faire. Ça m’est strictement interdit à vie. Je suis inscrit à Pôle emploi, et comme mon affaire a été médiatisée, n’importe qui tape mon nom voit que j’ai été condamné. Donc personne ne peut me faire confiance aujourd’hui. Il n’y a que dans le milieu artistique où ça peut faire marrer…
Qu’est ce que vous aimeriez dire aux personnes qui ne veulent pas vous faire confiance ?
Celui qui me fera confiance, je ne le décevrai pas. Je n’ai jamais trahi personne. J’ai fait une connerie, j’étais parfaitement conscient de ce que je faisais, mais je n’ai pas pris la fuite, comme d’autres, et j’ai accepté qu’à un moment donné, il fallait payer l’addition.
Vous pensez que vous allez replonger un jour ?
Non, je ne replongerai pas ! Ça coûte trop cher. Je n’ai plus envie de retourner en prison et d’entendre : « Il fallait y penser avant. »
Vous avez gardé des relations avec des codétenus?
Oui. Aujourd’hui, je reçois des messages d’ admiration. Quand on est passé sur TPMP, mon ancien codétenu était à la prison de la Santé. Il m’a dit : « Greg, pendant son passage à TPMP, tous les détenus ont tapé avec leurs casseroles sur les barreaux des fenêtres et ont crié ton nom. » C’est assez incroyable la popularité qu’on a. On touche toutes les classes sociales.
Recevoir tous ces témoignages d’admiration, c’est quelque chose qui vous aide ?
Ça porte, d’être aimé ou admiré, même si je suis conscient de mes conneries et que je n’en suis pas fier du tout. Mais les gens s’en fichent, car c’est l’État qu’on a arnaqué. D’ailleurs, en vrai, notre histoire, ce n’est pas une escroquerie, mais une fraude fiscale gigantesque. Le problème, c’est que la fraude fiscale, dans le Code pénal, c’est des peines de 5 ans de prison. Mais quand les magistrats et le Parquet National Financier sont tombés sur cette gigantesque fraude fiscale, 5 ans de prison, ça ne leur paraissait pas assez, donc ils ont passé l’affaire en escroquerie. Et là, les peines passent à 10 ans, voire 20 ans en cas de récidive.
Et quelles relations avez-vous avec vos complices, notamment Marco Mouly ?
Avec Marco, on se voit. Ce projet nous réunit, on se respecte beaucoup. Moi, j’ai beaucoup d’admiration pour lui. Je sais par quoi il est passé. Et même s’il fanfaronne, je le regarde avec tendresse. Marco, pour moi, c’est un peu comme un miroir. Il a beau faire le zouave, je sais par où il est passé. On est passé par les mêmes choses et ça crée un lien très fort que les gens ne peuvent pas comprendre. Ça va au-delà de l’image qu’on peut avoir sur les réseaux sociaux. On a mangé de la merde, on a souffert et c’est cette souffrance-là qu’on partage. On l’a vécue en même temps, même si c’était dans des établissements pénitentiaires différents. Ça crée forcément un lien.
Aujourd’hui, quelle serait la consécration pour vous ?
La consécration, ça serait de pouvoir mettre en place des systèmes gouvernementaux qui permettraient d’éviter des fraudes massives, et de cette manière-là, de rembourser ma dette très rapidement et d’avoir une réhabilitation. Deuxièmement, d’avoir une suite à notre documentaire. Les gens me disent souvent qu’ils aimeraient avoir une suite, pour savoir où est passé l’argent, ce que nous sommes devenus… Et ils veulent que ce soit nous, pas des acteurs. C’est beaucoup plus authentique. D’ailleurs, je vais commencer à certainement prendre des cours de comédie, car s’il y a une suite, je n’aimerais pas décevoir le public.
Vous affirmez que vous aimeriez aider les autorités à lutter contre la fraude. C’est envisageable ?
Je ne sais pas si les Français sont prêts à ça. Est-ce que ce serait moral pour le gouvernement de nous faire travailler pour lui ? Je ne sais pas… En tout cas, je sais que je serais hyper efficace. Mais attention, je ne veux pas faire de répression ou travailler pour la police. Je pourrais en revanche mettre des systèmes en place pour bloquer toutes les possibilités de fraude.
Quand vous dites que vous devez rembourser votre dette, on peut donner un chiffre ?
Ma dette se compte en milliards d’euros. La fraude au carbone, c’est la plus grande escroquerie de tous les temps en termes de montants, bien au-delà de celle de Madoff. Madoff, vous allez me dire que c’est 50 milliards de dollars. Mais lui, il a escroqué des particuliers, des gens qui ont tout perdu et qui se sont suicidés. Nous, ce n’est pas le cas. Et puis ce qu’il faut voir, c’est l’espace-temps dans lequel ça été fait. Madoff, c’est sur une période de 30 ou 40 ans. Nous, c’est sur une année. D’ailleurs, il y a toujours des investigations en cours. Il y en a qui n’ont pas été arrêtés, ce n’est pas fini. Moi, je suis le précurseur, la tête pensante, la locomotive de ce truc-là, mais il y a plein de gens qui sont venus se greffer. Donc ce n’est pas fini.
Pour finir, vous auriez quelque chose à ajouter ?
Je voudrais vraiment remercier ceux qui me portent un intérêt. Quand j’étais en détention, jamais je n’aurais imaginé qu’un jour, on allait susciter autant l’empathie et l’admiration d’un public varié. Vous vous rendez compte ? Il y a même eu un montage sur les réseaux sociaux où on m’associe à La casa del papel, Prison Break et Game of Thrones… Donc je remercie tous les gens qui nous soutiennent et j’espère continuer à ne pas les décevoir et leur apporter le meilleur pour la suite …
Interview réalisée par Jérôme Goulon (Twitter @JeromeGoulon)