EXCLU – Demi Moore : « À 40 ans, je ne savais pas si le cinéma voulait encore de moi. » La star nous répond pour la sortie de ‘The Substance’

Entrevue 1

Présente à Cannes en mai dernier pour la première fois depuis 27 ans afin de défendre son nouveau film The Substance, qui sort ce mercredi 6 novembre, Demi Moore, 61 ans, défie le temps. L’actrice nous a accordé une interview accompagnée de son fidèle chihuahua Pilaf, qui partage son quotidien. Un entretien poignant dans lequel Demi Moore nous parle de son actualité et revient sur son incroyable carrière…

Entrevue : Bonjour Demi. Cette année, on vous a vu à Cannes pour la première fois depuis 1997… Vous avez fait sensation !
Demi Moore : Oui, j’ai rattrapé le temps perdu, car je n’étais pas venue depuis 27 ans… 

Vous avez défendu votre nouveau film, The Substance, qui sort en France le mercredi 6 novembre. Un film dans lequel l’héroïne, virée le jour de ses 50 ans à cause de son âge, peut générer une version d’elle-même plus jeune et plus belle… Pouvez-vous nous en parler ? 
Tout d’abord, je me sens très humble par rapport à ce film. Ce n’est pas toujours facile de se regarder soi-même. Mais je ressens une certaine excitation. J’ai hâte qu’il sorte. C’est un genre inhabituel, à la fois horrifique et fantasmagorique. Pour ceux qui aiment les sensations fortes, je pense qu’il y a de quoi s’amuser. Et il y en a également pour ceux qui recherchent un sens plus profond…

En tant qu’actrice, comment entre-t-on dans un tel rôle ? 
Il faut toujours commencer par l’ancrage, par la connexion intérieure et émotionnelle avec son personnage. C’était vraiment fascinant de lire le script et de savoir qu’il y aurait beaucoup de prothèses à porter et de longues séquences de maquillage. Mais cela fait partie, je pense, du plaisir de ce genre de rôle, qui permet d’explorer différents aspects de soi. Et on le voit, la transformation qui s’opère est vraiment spectaculaire. Ce n’est pas très glamour, je vous préviens ! ( Rires )

Vous êtes aujourd’hui une icône mondiale. Revenons à vos débuts. Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir faire carrière dans le cinéma ? 
Honnêtement, c’est la façon dont j’ai grandi. Je n’avais pas de plan de carrière, j’avais un plan de vie. J’ai dû pendant longtemps me débrouiller toute seule. Il y a des avantages et des inconvénients à ça. L’avantage, c’est que cela m’a donné un grand sens de l’indépendance. Je n’avais pas de filet de sécurité sur lequel m’appuyer. Mais cela m’a aussi permis d’aller de l’avant. Jeune, je n’avais rien à perdre, parce que je n’avais rien. Ça m’a donné le sens de la détermination. Sans ça, je ne serais pas devenue qui je suis. Le revers de la médaille de ce genre de situation, c’est que cela peut engendrer sur le moment un certain niveau d’insécurité, parce que vous ne savez pas comment vous y prendre, dans quelle direction aller. En fin de compte, je pense que le destin nous amène exactement là où nous sommes censés être. Sans tout ce que j’ai vécu, je ne serais pas qui je suis.

« Un succès comme Ghost peut faire perdre la tête. » 

Tout le monde a encore en mémoire le film Ghost, qui a lancé votre carrière. Comment avez-vous vécu le buzz autour de ce succès ? Et comment le gérez-vous aujourd’hui ? 
Vous savez, on s’y habitue, ça devient familier. D’un côté, un succès comme Ghost peut faire perdre la tête, mais de l’autre, ça peut aussi permettre de prendre un peu de hauteur et de garder le sens de ce qui est vraiment important. J’ai de la chance, car ma famille m’aide à garder la tête froide. J’arrive à dissocier le cinéma de la vie réelle. Je me rends très bien compte que ce que je fais à l’écran, ce n’est pas ce que je suis. C’est juste ce que je fais. C’est en raisonnant comme ça qu’on arrive à garder les pieds sur terre.

Juste après Ghost, vous avez joué dans Des hommes d’honneur, avec un rôle très différent, très féroce. C’était un  défi ? 
Je pense que j’ai toujours cherché des rôles qui me poussaient à sortir de ma propre zone de confort, à la fois réfléchis et provocateurs. En y repensant, je me souviens que j’avais beaucoup travaillé avec Rob Reiner ( le réalisateur, Ndlr. ) et Tom Cruise. Mais quand le moment est venu de passer l’audition, j’étais enceinte d’environ sept mois et demi. J’ai donc dû me présenter à l’audition avec un gros ventre, et je pense que Tom Cruise était assez embarrassé. Mais ça a marché ! ( Rires )

Il y a eu ensuite le film If these walls could talk, sorti en 1996. Vous étiez au sommet de votre gloire, et c’était un projet incroyablement risqué de la chaîne HBO, qui explorait sans tabou le sujet de l’avortement. Qu’est-ce qui vous a convaincu de participer à ce projet ? Vous n’avez pas eu peur que ça nuise à votre image?
Non. Nous souhaitions juste aborder la question des grossesses non désirées, sans prendre parti pour ou contre l’avortement. Il s’agissait de raconter l’histoire qui arrive aux femmes lorsqu’elles sont confrontées à l’avortement. En réalisant ce projet, nous avons essuyé le refus de nombreux studios. C’était au tout début de HBO. Et je dois dire qu’ils ont été des partenaires incroyables, qui se sont montrés à la hauteur et nous ont permis d’illustrer les défis auxquels étaient confrontées les femmes dans les années 50. À l’époque, le film se déroulait dans une seule maison, avec l’idée de savoir ce que diraient les murs s’ils pouvaient parler dans les années 50, les années 70 et les années 90. Et cela ne m’a pas semblé risqué de le faire, cela m’a semblé important. Et tout risque qui en aurait découlé aurait été le bienvenu.

« Je n’avais pas d’éducation, pas d’expérience, je me suis retrouvée seule à 16 ans, et j’ai réussi ! »

Vous avez toujours été célèbre pour vos looks qui défient le temps. Dans votre dernier film, vous jouez une femme qui est mise à l’écart à cause de son âge. Qu’arrive-t-il à une femme à Hollywood lorsqu’elle dépasse les 40 ans ? 
J’ai l’impression que beaucoup de choses ont changé. Et c’est beau ! Je pense que le streaming y est pour beaucoup. Nous voyons beaucoup plus de films ou de séries qui mettent en avant des femmes incroyables, comme dans la série Feud, dans laquelle j’ai joué. Je pense qu’aujourd’hui, le plus important, c’est la façon dont vous vous tenez, et non la façon dont le monde vous tient. Pour que les choses changent, il suffit de ne plus adhérer à la vision que l’on nous impose des femmes. C’est exactement ça dont il est question dans The Substance. La vision que les hommes ont de la femme idéale est une vision à laquelle nous, les femmes, avons trop longtemps adhéré. Mais je pense que nous sommes en train de changer tout cela…

Le tournage de The Substance a-t-il été une sorte de thérapie ?
Vous savez, le scénario était très atypique, très complexe. Et il exigeait un réel niveau de vulnérabilité, une véritable mise à nu de soi-même. Ce film aborde le sentiment de rejet, le sentiment de ne pas trouver sa place dans la société. Ce sont des choses que nous vivons tous, je pense, mais pour moi, ça a été une façon de me mettre à nu et faire mon introspection sur certaines parties de moi. C’était donc tout un travail ! ( Rires ) Mais ma partenaire, Margaret Qualley, qui joue mon « moi » jeune, a été formidable !

Durant votre carrière, quel rôle vous a le plus terrifié au moment de l’entreprendre ? 
Probablement celui-là. Parce que c’est un genre qui ne m’est pas familier. Et mon rôle dans Striptease aussi ( sorti en 1996, Ndlr. ). Je me suis posé trois questions : « Est-ce que je peux être à la hauteur ? », « Est-ce que cela véhicule un bon message ? » et « Ce que je dis fera-t-il la différence ? »

Avec le film Striptease, il y avait un vrai message. Ce film a été une grande avancée en termes d’équité salariale pour les femmes, car vous avez établi un record à l’époque. C’était un bon message pour l’égalité hommes femmes… 
Je pense que ce qui était intéressant avec Striptease, c’est qu’à première vue, c’était l’histoire d’une femme qui travaille comme strip-teaseuse. Mais pour moi, il s’agissait de bien plus : c’était l’histoire d’une femme qui essayait de survivre et de s’occuper de sa fille du mieux qu’elle pouvait. Et c’est ce qui, pour moi, constituait en quelque sorte l’élément de base du film. Et aussi les jugements extérieurs que nous portons sur certaines personnes pour ce qu’elles font. Et que la vie n’est pas noire ou blanche, qu’il y a beaucoup de gris.

Vous avez parlé de ce thème, le regard des autres, dans vos mémoires, L’envers d’une vie. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous livrer autant et parler publiquement des aspects les plus difficiles de votre vie, comme les traumatismes de votre enfance et votre dépendance aux drogues ?
Je me suis dit que si je devais partager une partie de ma vie, il fallait que ce soit à un niveau très humain, parce que sinon, quel est l’intérêt ? J’étais terrifiée à l’idée que ce ne serait pas intéressant, que je n’aurais rien à dire, et puis j’ai réalisé que si mon histoire pouvait aider une seule personne, cela en valait la peine. Vous savez, j’ai eu une enfance complexe. Et ma question essentielle dans le livre était : comment ai-je fait pour réussir ? Parce que sur le papier, ça n’a pas de sens. Et pour avoir vécu la vie que j’ai vécue, pour avoir fait toutes ces choses. Je n’avais pas d’éducation, je n’avais pas d’expérience, je me suis retrouvée seule à 16 ans, et j’ai réussi ! Rien de tout cela n’a de sens. Cette exploration de mes origines m’a permis, vous savez, non seulement d’être cathartique, mais aussi de mieux comprendre et apprécier toutes les personnes, y compris mes parents, qui n’ont pas été très attentionnés à des moments cruciaux de ma vie. Aujourd’hui, je les vois vraiment d’une manière qui me permet de leur témoigner beaucoup de gratitude pour ce qu’ils étaient, et de les voir avec humanité.

« À 40 ans, je ne savais pas si le cinéma voulait encore de moi. »

Après la sortie de ce livre, en 2020, vous avez réalisé, à travers différents rôles, les projets les plus inattendus de votre carrière. C’est une coïncidence ? 
Vous savez, j’ai fait une longue pause.Je n’ai pas travaillé pendant environ six ans et je suis restée à la maison avec mes enfants. Et il y a eu une période de ma vie, à 40 ans, où je n’avais plus l’air d’avoir 20 ans, mais je n’avais pas l’impression d’avoir 40 ans. À 40 ans, je ne savais pas si le cinéma voulait encore de moi. Je crois que j’ai atteint un point où je me suis dit : «Est-ce que c’est quelque chose que je veux encore faire ? » Et puis je me suis dit : « Il y a peut-être une ‘chanson’ que je n’ai pas encore terminée. » J’ai vraiment tout remis en question. Je me suis dit que je n’aurais les réponses à tout ça que si je prenais le risque de voir où j’en étais.

C’est en vous remettant en question que vous avez joué dans une série, Empire, en 2017 et 2018, alors que vous étiez plutôt habituée au cinéma ? 
La série Empire, je l’ai fait uniquement parce que ma fille Rumer jouait dedans ! ( Rires ) La série se tournait à Chicago et que je me suis dit que je pourrais passer du temps avec elle. Et finalement, nous n’avons même pas eu de scène ensemble… ( Rires )

Comment avez-vous vécu l’expérience des séries ?  
C’était vraiment très inhabituel pour moi. Une autre façon de travailler. Et je ne peux pas dire que j’étais toujours très à l’aise, mais cela m’a ouvert les yeux sur un média différent.

Les séries, c’était avant en dehors de votre radar ? 
Je ne sais pas si c’était en dehors de mon radar. Je pense que mon intérêt pour les séries s’est développé au fur et à mesure que les choses ont évolué et que des projets intéressants ont été créés. J’aime que la barrière entre le cinéma et les séries se soit estompée. Je pense que cela a ouvert la voie à des possibilités encore plus nombreuses, et ce de différentes manières. J’aime la forme longue. C’est comme lire un roman. Et, en tant qu’acteur, la possibilité d’explorer un personnage plus en profondeur est quelque chose que j’attends avec impatience.

Vous avez fait beaucoup de recherches sur le personnage que vous incarnez dans Feud, Ann Woodward ?
Oui, c’est important. Je pense que si vous jouez une personne réelle, vous avez une responsabilité, non seulement envers elle, mais aussi envers sa famille. Et je voulais vraiment lui rendre hommage, ainsi qu’à sa famille et à l’ensemble de l’histoire. Pour ceux qui ne le savent pas, il s’agit d’une femme qui a été accusée d’avoir assassiné son mari et la question de savoir s’il s’agissait d’un accident ou d’un acte prémédité s’est posée. D’après mes recherches, elle ne l’a pas tué, c’était un accident. 

Ce qui lui est arrivé est tragique, puisqu’elle s’est suicidée au cyanure. Son destin vous a touchée ?
On en revient à ce que je disais tout à l’heure : l’importance et la difficulté d’être accepté sur le plan social, et les dégâts que cela peut causer quand ce n’est pas le cas. Ann Woodward n’a jamais été acceptée par sa belle-mère ni par la société new-yorkaise. Elle a toujours été une marginale. Et je pense que nous avons tous, à différents moments, ressenti cela, sentir que nous sommes un étranger.

Avec le recul, y a-t-il selon vous l’un de vos films qui n’a pas reçu l’attention qu’il méritait ? 
Oui. Il y a un un film qui, selon moi, a été éclipsé par le fait d’être devenue l’actrice la mieux payée à l’époque. C’était À armes égales. J’ai l’impression qu’il n’a pas reçu toute l’attention qu’il méritait. Ridley Scott a réalisé un film incroyable, qui traitait d’un sujet fort : l’égalité des femmes dans l’armée. Je me souviens d’avoir parlé à un amiral qui m’a dit : « Quelle est la différence entre ceux qui réussissent comme Navy Seal et ceux qui n’y parviennent pas ? » Il m’a répondu : « C’est mental », et il a ajouté : « Il n’y a pas de sexe. » C’est donc mon rôle qui, à mon avis, aurait mérité plus d’attention.

Paradoxalement, alors que ce film traitait de l’égalité entre les hommes et les femmes, c’est votre salaire, qui pour une fois était égal à ceux des hommes, qui l’a éclipsé…
Je pense que oui, et cela a été une déception…

En regardant vers l’avenir, malgré votre incroyable carrière, y a-t-il quelque chose que vous n’avez pas fait et que vous rêvez d’accomplir ? 
Je n’aime pas trop me projeter dans l’avenir. Je pars du principe que si je commence à identifier une chose en particulier, cela risque de limiter les possibilités de ce qui pourrait arriver.

Et inversement, lorsque vous repensez au tout début de votre carrière à Hollywood, y a-t-il un conseil que vous donneriez à vous-même ?
Qu’est-ce que je dirais à mon moi de 16 ou 17 ans ? Que la valeur de quelqu’un n’est pas liée à l’apparence, mais vient de l’intérieur. Et que la perfection n’existe pas… 

Ces leçons peuvent être difficiles à apprendre à Hollywood, quand vous ne savez pas nécessairement ce qui va suivre… 
Vous savez quoi ? Aujourd’hui, nous avons de moins en moins le droit de faire des erreurs. Mais nous ne grandissons pas ou n’apprenons pas de nos victoires, nous grandissons et apprenons de nos erreurs. Et je pense qu’en tant qu’humains, nous devons commencer à faire preuve d’un peu plus de compassion envers nous-mêmes. Et pour les autres. Nous tombons tous un jour ou l’autre. Ce qui compte, c’est la façon dont nous choisissons de nous relever. Et je pense que nous devons être moins critiques et moins fermés, et tendre un peu plus la main pour nous aider les uns les autres à nous relever.

Pour finir, impossible de ne pas parler de Pilaf, votre chihuahua qui vous a accompagnée durant toute cette interview et qui vous suit partout. Elle s’est vraiment fait un nom à vos côtés !
C’est une véritable star ! ( Rires ) Elle a fait l’objet de plus d’articles que vous ne pouvez l’imaginer. Qui l’aurait cru ? Elle pèse un kilo et demi, elle est l’avorton de sa portée. C’est une star et elle le sait – c’est ça le problème. Mais elle le sait d’une manière qui lui appartient…

C’est important d’avoir Pilaf tout temps avec vous ? 
Vous savez, elle est comme mon amie proche, ma partenaire. C’est ma petite compagne de voyage. Et c’est un vrai bonheur. C’est tout. Je l’adore. Je la porte généralement dans mon petit porte-bébé. Mon chihuahua me suit partout.

Elle a aimé le spectacle ?
Elle était très émue ! Elle a trouvé la performance extraordinaire ! J’ajouterai qu’elle a également adoré les diamants chez Chopard, à Cannes ! ( Rires )

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Entré à la rédaction d’Entrevue en 1999 en tant que stagiaire avant d'en devenir le rédacteur en chef en 2014, Jérôme Goulon a dirigé le service reportages et réalisé de grosses enquêtes en caméra cachée et d’infiltration. Passionné de médias, d’actualité et de sport, il a publié de nombreuses interviews exclusives. En parallèle, il apparaît régulièrement depuis 2007 à la télévision sur différentes chaînes ( TF1, France 3, M6, C8, NRJ 12, RMC Story ), notamment sur les plateaux de Jean-Marc Morandini et Cyril Hanouna. Il a également été chroniqueur pour Non Stop people (groupe Canal+) et sur Radio J. 

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