Eurovision : la France peut-elle gagner ? Interview de Fabien Lecœuvre
Alors que la finale de l’Eurovision se déroule ce samedi soir en Suède, Slimane représentera la France, qui attend depuis 47 ans une victoire dans ce concours. Le dernier succès tricolore remonte en effet à 1977 avec le triomphe de Marie Myriam. Depuis, la France n’a plus jamais gagné l’Eurovision. Fabien Lecœuvre, spécialiste de la chanson française, nous livre son ressenti…
Jérôme Goulon : Cela fait 47 ans que la France ne gagne pas l’Eurovision. On a l’impression que le choix des candidats ne change rien. Comment expliquez-vous cela ?
Fabien Lecœuvre : Personne ne peut expliquer la raison d’une défaite ou même d’une victoire. On peut simplement évoquer qu’en 1977, lorsque la France a gagné pour la dernière fois, il y avait seulement 18 pays en lice et aujourd’hui en 2024, 37 états participent à ce prestigieux concours créé en 1956. De ce fait, il est plus difficile d’arriver en tête vu le nombre de participants.
À force de se faire ridiculiser la plupart du temps, la France doit-elle continuer à participer à ce concours ?
Bien sûr la France doit continuer de participer à ce concours, sachant qu’elle faisait partie des 7 pays fondateurs au printemps 1956.
Certains candidats de la France sont inconnus, d’autres déjà des stars, comme Amir ou Slimane cette année. Quelle est la meilleure stratégie selon vous ?
Peu importe la notoriété de l’artiste ou du groupe. Cette année, Slimane est très connu pour ses millions de disques vendus en France, mais pas forcément dans les 37 pays qui participent au concours. Même chose pour Amir, qui en 2016 avait une petite notoriété en France suite à sa participation à la 3e saison de The Voice. Par ailleurs Marie-Myriam en 1977, Johnny Logan en 1980 pour l’Irlande, Corinne Hermès en 1983, pour le Luxembourg, ou Sandra Kim en 1986 pour la Belgique, étaient totalement inconnus avant l’Eurovision. Il n’y a pas de règles.
Pour les candidats français, même s’ils ne gagnent pas depuis 1977, le fait de participer à l’Eurovision peut-il booster leur carrière ou au contraire plomber leur image en cas d’humiliation ?
Participer à l’Eurovision est toujours valorisant, et en aucun, ça plombe une image. Par exemple, Patrick Fiori qui est arrivé 4e à l’Eurovision en 1993, Michèle Torr qui est arrivée 11e en 1966 puis 4e en 1977, ou Amaury Vassili qui est arrivé 15een 2011, tous trois font de très belles carrières depuis.
Musicalement, que vaut l’Eurovision selon vous ? Et ce concours est-il tout simplement légitime ? Certains disent que c’est devenu une caricature….
C’est très certainement le plus beau show télévisé mondial en direct. Même si la notion de concours est passée au second plan ces dernières années, il ne s’agit ni d’une farce ni d’une caricature, mais tout simplement d’un méga show avec des effets spéciaux, des costumes excentriques pour certains, des chorégraphies époustouflantes pour d’autres et avec un son et des lumières exceptionnelles.
Tous les ans, les pays « amis » votent entre eux. C’est un concours arrangé ?
Non, en aucun cas il ne s’agit d’un concours arrangé. Ce qui peut donner ce sentiment, c’est la différence parfois flagrante entre les choix des téléspectateurs et les résultats annoncés à la fin des votations. Les votes dépendent souvent des rapprochements politiques, géographiques ou religieux entre chaque pays. Personne ne peut alors pronostiquer un gagnant dans ce contexte.
Vous avez commenté l’Eurovision pendant 5 ans sur Radio France. Parlez-nous de votre expérience…
Mon expérience a fait que si l’on souhaite relancer la notion de concours dans l’Eurovision, je prendrais dans chaque pays le plus important vendeur de disques de l’année précédente, ce qui éviterait toute discussion ou contestation dans le choix de l’artiste représentant son pays. Musicalement, le show télévisé serait encore plus extraordinaire, car il rassemblerait tous les grands tubes européens.
Vous avez des anecdotes ?
En 1997, j’ai accompagné la chanteuse Fanny qui représentait la France lors du concours Eurovision qui se déroulait à Dublin en Irlande. Tous nos déplacements se faisaient en voitures blindées avec un accompagnement militaire armé. Une situation très inconfortable, mais indispensable face aux menaces d’attentats. C’est en 1988, à l’issue de sa victoire à l’Eurovision, également à Dublin, que Céline Dion, dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1988, a couché pour la première fois avec son manager René Angelil. Le début d’une belle histoire que les deux amoureux officialiseront 5 ans plus tard en 1993.