Le monopole d’Eurostar sur la ligne à grande vitesse sous la Manche pourrait bien vivre ses dernières années. D’ici 2029, Virgin prévoit de faire rouler ses propres trains entre Londres et le continent, avec l’ambition de casser les prix sur une liaison où le billet aller-retour dépasse souvent les 350 euros. Le régulateur ferroviaire britannique vient de lever l’un des derniers obstacles techniques à cette offensive.
Virgin veut bousculer le tunnel
Le dépôt de Temple Mills à Londres, unique installation britannique apte à accueillir des trains de type européen, n’est pas aussi saturé qu’Eurostar l’affirme depuis des années. C’est en tout cas la conclusion d’un rapport indépendant commandé par l’Office of Rail and Road (ORR), le régulateur britannique, qui estime que des trains supplémentaires pourraient y être accueillis, sous réserve de quelques ajustements d’exploitation et de maintenance. Pour Virgin, c’est un feu vert officiel : l’excuse de la « capacité pleine » ne tient plus. Porté par Richard Branson, le plan de Virgin prévoit une levée de 700 millions de livres — 300 en fonds propres, 400 via des emprunts — pour faire circuler ses premiers trains dans quatre ans. La compagnie n’a pas opéré de réseau ferroviaire britannique depuis 2019, mais son retour se veut fracassant : concurrencer Eurostar là où ça fait mal, sur les tarifs.
D’autres opérateurs sur les rails
Virgin n’est pas seule à flairer l’ouverture. L’espagnole Evolyn et la néerlandaise Heuro ont aussi manifesté leur intérêt pour entrer sur le corridor Londres-Amsterdam. Avec 19,5 millions de passagers transportés en 2024, Eurostar reste en très grande forme commerciale. Mais cette réussite masque un vrai malaise tarifaire : pour de nombreux usagers, le prix des billets frôle l’indécence. Eurostar défend son bilan en rappelant que Temple Mills est utilisé en quasi-totalité pour la maintenance lourde et qu’il faudra d’importants investissements pour accueillir plus de trains. Un argument de plus en plus difficile à faire entendre, alors que la pression réglementaire monte et que la demande de transparence sur les coûts d’exploitation se fait plus forte. Les trains de la concurrence ne sont pas encore sur les rails, mais le signal est donné : la ligne Londres-Paris pourrait bientôt se transformer en champ de bataille à grande vitesse.