Européennes : Un débat final marqué par des attaques personnelles et des positions figées

Entrevue 1

C’était leur dernier affrontement. Cinq jours avant les élections européennes, les principales têtes de liste ont débattu pendant près de deux heures mardi soir sur France 2. Après avoir présenté une photo symbolisant leur vision de l’Europe, les échanges ont rapidement tourné autour de la question migratoire, sur laquelle le ton est monté. Face à ses concurrents macroniste et socialiste, Jordan Bardella (RN) a fait savoir qu’il était « savoureux de voir monsieur Glucksmann et madame Hayer se battre pour savoir qui est le plus immigrationniste des deux ».

Après que le responsable de 28 ans a été qualifié de « fasciste » par l’écologiste Marie Toussaint, Manon Aubry a surenchéri : « Votre parti a été créé par des anciens Waffen SS. Vous êtes un héritier des nazis ». L’insoumise en a eu « assez de cette démagogie, de cette course à l’échalote, la double frontière, la triple frontière de Marion Maréchal, la quintuple frontière tant qu’on y est… »

Si les échanges ont été apaisés sur l’environnement, ils ont été plus vifs sur la guerre en Ukraine. Particulièrement entre Jordan Bardella et Raphaël Glucksmann. « Vous êtes pour que l’Union européenne finance la machine de guerre de Poutine à hauteur d’un milliard d’euros par jour », lui a lancé l’essayiste. La réponse de l’intéressé n’a pas tardé : il a accusé son contradicteur d’« hurler sur un sujet qui mérite un peu plus de hauteur que cette espèce de bataille de sac à main. »

Une façon pour les candidats de convaincre les derniers électeurs indécis ou abstentionnistes et de terminer progressivement cette campagne rythmée par un long périple médiatique. Public Sénat, France 24, RTL-Paris Première, LCI, BFMTV, CNews-Europe1-LeJDD… Depuis la fin du mois de mars, chaque groupe audiovisuel a organisé son rendez-vous. Au risque de lasser les téléspectateurs.

Des débats qui se suivent et se ressemblent

Les candidats ont eu beau préparer chaque émission avec minutie, les thèmes choisis étaient peu ou prou les mêmes d’une chaîne à l’autre (immigration, pouvoir d’achat, économie/écologie, questions internationales). Même si la forte actualité – Nouvelle-Calédonie, attaque d’un fourgon blindé dans l’Eure, guerre Israël-Hamas – a parfois bouleversé les chapitres imposés. En deux mois, les débats à plusieurs se sont multipliés. Les face-à-face aussi. Avec deux points d’orgue : la confrontation entre Jordan Bardella (RN) et Valérie Hayer (Renaissance) début mai sur BFMTV, puis celle entre le nationaliste et Gabriel Attal il y a deux semaines sur France 2. Très critiqué par les autres prétendants, le duel a agacé au plus haut point la tête de liste des Républicains François-Xavier Bellamy, qui avait exprimé son mécontentement dans la foulée. La séquence, relayée sur les réseaux sociaux, a été vue plusieurs millions de fois.

Certaines confrontations ont donné lieu à de vives passes d’armes. Sur Public Sénat fin mars, Raphaël Glucksmann (PS-Place Publique) avait accusé le représentant du RN, Thierry Mariani, proche des thèses de Moscou sur la guerre en Ukraine, d’être « le petit télégraphiste du Kremlin », un « patriote de pacotille », et d’avoir « servi la soupe à ce régime ». En réponse, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy avait affirmé qu’il voulait « éviter l’escalade et soutenir l’Ukraine », et que « l’Europe n’était pas menacée ».

Sur BFMTV quelques semaines plus tard, Raphaël Glucksmann et Manon Aubry (LFI) s’étaient écharpés sur leurs stratégies de campagne. Alors que l’Insoumise avait accusé l’essayiste d’être soutenu par l’ancien président de la République François Hollande, le candidat de 44 ans avait répliqué : « Vous ne luttez pas contre l’extrême droite. Vous faites de moi votre cible principale, c’est le cas depuis six mois, vous avez l’extrême droite à 40 % (…) Allez, lâchez-moi un peu les baskets, concentrez-vous sur l’extrême droite. »

Pas d’impact sur les sondages

Autre moment fort de ces dernières semaines, entre Jordan Bardella et Léon Deffontaines, sur LCI. Le communiste, qui accusait le parti à la flamme d’avoir voté avec la majorité sur la fiscalité des plus aisés, s’était attiré les foudres de son adversaire. « Vous êtes communiste, avait répondu avec dérision l’eurodéputé. Ne me donnez pas de leçons d’économie (…) Il s’agirait peut-être de grandir un peu ». « OK OSS 117 », avait aussitôt répliqué Deffontaines en référence au personnage incarné par Jean Dujardin dans la célèbre trilogie cinématographique. Ce qui lui a permis de grappiller momentanément quelques demi-points dans les enquêtes d’opinion.

Des joutes dont l’audience n’a pas été négligeable (jusqu’à 3,6 millions de téléspectateurs pour le débat Attal-Bardella), mais qui n’ont pas fait bouger les grands rapports de force. Seul le président du RN a confirmé son statut d’ultrafavori dans les sondages après son duel contre le premier ministre. Bien que vilipendée par ses opposants, son absence aux deux premiers débats télévisés (sur Public Sénat et France 24) ne lui aura pas été fatale. Un boycott décliné par une partie de gauche sur CNews, dont la ligne éditorialiste déplaisait à Raphaël Glucksmann et Marie Toussaint. « Il faut mettre à distance l’impact de ces débats, expliquait le directeur général Opinion de l’Ifop Frédéric Dabi. Ils servent surtout pour chaque camp à mobiliser leurs soutiens. »

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