Trois journalistes du quotidien turc BirGün ont été interpellés samedi soir avant d’être relâchés après plusieurs heures d’audition. Leur arrestation, effectuée sous couvert de la législation antiterroriste, fait suite à la publication d’un article sur le procureur général d’Istanbul, Akin Gürlek, un proche du pouvoir. L’affaire suscite une vague d’indignation dans le pays et relance les critiques sur la liberté de la presse en Turquie.
Les journalistes Ugur Koç et Berkant Gültekin, ainsi que le directeur de la rédaction Yasar Gökdemir, ont été arrêtés à leur domicile et conduits au tribunal de Caglayan. Selon le rédacteur en chef de BirGün, Ibrahim Varli, ils sont soupçonnés de « s’en être pris à des personnes engagées dans la lutte contre le terrorisme ». Pourtant, l’article incriminé ne faisait que relater une rencontre entre un journaliste du quotidien pro-gouvernemental Sabah et le procureur Gürlek, une information déjà publiée dans la presse.
Cette interpellation a provoqué une forte mobilisation. Une centaine de manifestants se sont rassemblés devant le tribunal, brandissant des pancartes proclamant « BirGün ne se taira pas » et « Le journalisme n’est pas un crime ». Plusieurs personnalités de l’opposition, dont Özgür Özel, président du principal parti d’opposition CHP, ont dénoncé une « intimidation » et une « honte sans précédent ».
La Turquie est régulièrement épinglée pour ses atteintes à la liberté de la presse. Fin janvier, trois journalistes de la chaîne d’opposition Halk TV avaient été arrêtés pour avoir diffusé un entretien enregistré à l’insu d’un expert judiciaire. Par ailleurs, l’actrice Melisa Sözen a été convoquée par la police pour des soupçons de « propagande terroriste », en raison de son rôle dans la série Le Bureau des Légendes, où elle incarne une combattante kurde.
Selon Reporters sans Frontières (RSF), la Turquie occupe la 158e place sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse. L’ONG MLSA recense actuellement 30 journalistes emprisonnés et des centaines de procès en cours liés à la liberté d’expression. Ces nouvelles arrestations confirment l’intensification de la répression contre les médias critiques du pouvoir.