ENTREVUE – Florian Philippot : « Depuis le début, je suis pro-français et pro-paix »

07 juin, 2024 / Entrevue

Dans cette interview exclusive accordée à Entrevue, Florian Philippot, ancien vice-président du Rassemblement National (RN) et actuel président des Patriotes, revient sans détour sur son parcours politique, ses convictions et ses combats actuels. De ses critiques acerbes contre le RN devenu selon lui « un mouvement crypto-macroniste » à ses opinions tranchées sur la souveraineté de la France, Philippot n’épargne aucun sujet. Aujourd’hui tête de liste du parti Les Patriotes aux élections européennes, il évoque son positionnement face à la gestion de la crise sanitaire, son engagement pour le Frexit et sa vision d’une France indépendante des grandes organisations supranationales comme l’OTAN et l’Union Européenne.

Entrevue : Il vous arrive parfois de regretter le temps où vous étiez au RN ?

Florian Philippot : Vu ce qu’est devenu le RN, non. Aujourd’hui, c’est un mouvement crypto-macroniste. Je suis un souverainiste conséquent et j’ai quitté le RN lorsqu’il a abandonné la sortie de l’Union Européenne et entre-temps, ils ont tout abandonné : la sortie du marché commun, la sortie de l’OTAN, la sortie de Schengen…

Avez-vous toujours des contacts avec Marine Le Pen ?

Non, aucun. J’ai parfois quelques cadres qui me racontent ce qu’il se passe en interne au RN, sans même que je les sollicite.

Que se passe-t-il en interne au RN ?

Une guéguerre entre Marine Le Pen et Jordan Bardella.

Avez-vous conscience que vous êtes perçu comme complotiste ?

Je crois qu’au vu de ce qu’on a vécu depuis le COVID, on doit le prendre comme une médaille. Généralement, quand vous avez raison six mois trop tôt, vous êtes complotiste. Les mois qui passent prouvent ensuite que vous avez raison et que c’est la réalité. Quand je parlais de passe sanitaire avant qu’il n’existe, on me disait que j’étais complotiste. C’est un mot qu’on a inventé pour éviter de débattre sur le fond.

Vous avez organisé beaucoup de manifestations pour dénoncer ce que vous appelez « la dictature sanitaire » pendant le COVID. Pensez-vous réellement que la France est une dictature sanitaire ?

Non, je pense que la France est une dictature tout court. Il n’y a plus de démocratie, les manifestations sont réprimées, la liberté d’expression est en déclin, il y a des règlements européens pour censurer les réseaux, des médias qui sont fermés comme RT France en dehors de toute notion légale. Il n’y a plus d’accès médiatique équitable, comme s’il n’y avait que 6 ou 7 listes candidates à ces élections européennes.

Vous êtes pour la sortie de l’Union Européenne, mais êtes-vous également pour la sortie de l’OTAN ?

Évidemment ! Je suis pour la sortie de toutes les organisations supranationales. Dès que la France n’a plus la mesure de son destin, il faut partir : l’OMS, la CEDH, etc. Ces structures vont à l’encontre des intérêts de la France et décident à notre place.

Aujourd’hui, c’est le dernier jour de la campagne européenne. Vous avez été crédités entre 0,5% et 1,5% dans les sondages tout au long de la campagne. Croyez-vous réellement en vos chances de faire élire des eurodéputés ?

Oui, car c’est une élection à un tour à la proportionnelle. Les gens votent pour leurs convictions. S’ils croient en leurs convictions, ils voteront. En 2021, j’étais crédité de 1% dans les sondages aux régionales dans le Grand Est et finalement, j’ai fait 7%. Je crois que c’est ce qui se passera dimanche.

N’est-ce pas paradoxal de vouloir quitter l’UE mais d’être candidat aux européennes ?

Pas du tout. Aujourd’hui, plus d’un tiers des Français sont pour la sortie de l’Union européenne. Ce serait antidémocratique qu’ils n’aient pas le choix. Je connais très bien Nigel Farage, le monsieur Brexit. Je veux appliquer exactement sa technique. Il avait utilisé le Parlement européen comme une caisse de résonance. En étant là-bas, il a pu faire sortir des informations que l’on n’avait pas et imposer le Brexit. On peut utiliser ces instances contre elles.

Pourquoi ne faites-vous pas alliance avec les autres frexiteurs, comme François Asselineau ?

Nous faisons des alliances avec tous ceux qui le souhaitent. Nous en avons une avec VIA de Jean-Frédéric Poisson, Génération Frexit, le Cercle Aristote. Nous avons à nos côtés des personnalités comme Marc Doyer, Myriam Palomba, etc. Nous faisons un super rassemblement avec ceux qui le veulent. Quant à l’UPR de Monsieur Asselineau, nous avions consulté nos adhérents qui étaient favorables à une alliance, mais les adhérents de l’UPR n’ont même pas été consultés. Ils auraient d’ailleurs certainement dit oui à une alliance avec nous. Mais François Asselineau ne veut visiblement pas d’alliance.

Il y a quelques semaines, François Asselineau a déclaré dans les colonnes d’Entrevue que vous lui avez volé toutes ses analyses pour les reprendre à votre compte. Est-ce vrai ?

Le péché d’orgueil peut être mortel politiquement. En 2005, j’avais fait un débat télévisé lorsque j’étais étudiant et que j’avais un blog qui s’appelait « sortir de l’euro ». Je suis engagé dans le combat souverainiste depuis toujours, je n’ai pas attendu Asselineau pour défendre mes convictions. Ces accusations sont grotesques, mais je ne souhaite pas entrer dans la polémique car je considère que cela fait perdre du temps. Il faut se focaliser sur le système Macron-Union Européenne.

Avez-vous espoir que la France sorte réellement de l’UE un jour ? Les Français veulent-ils en sortir ?

Oui, s’il y avait un vrai débat à égalité entre ceux qui veulent rester et ceux qui veulent sortir, je suis sûr que le FREXIT gagnerait.

Quelle est votre position sur le conflit ukraino-russe ?

Depuis le début, je suis pro-français et pro-paix. Nous ne devons pas envoyer un euro ni une arme en Ukraine. Cela nous ruine et nous avons besoin de nos armes. Je suis pour l’ouverture immédiate de négociations de paix. La France et l’Allemagne n’ont pas fait respecter les accords de Minsk, qui étaient des accords de paix. La seule solution est d’ouvrir les négociations de paix, d’arrêter les sanctions contre la Russie et de discuter avec elle, tout en cessant d’envoyer des armes à l’Ukraine. Je suis très effrayé par la fuite en avant de l’Union Européenne et d’Emmanuel Macron, qui envisage désormais d’envoyer des troupes en Ukraine.

Sur le conflit israélo-palestinien, quelle est votre position depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier ?

Je suis gaulliste et je suis totalement en accord avec la position exprimée par Dominique de Villepin dans le débat public. La France doit rappeler la solution politique des deux États et demander un cessez-le-feu qui permettra la libération des otages. On peut être horrifié par ce qu’il s’est passé le 7 octobre dernier et en même temps remettre cela dans une perspective historique qui montre que le problème est plus ancien. On ne peut pas maltraiter une population comme celle de Gaza indéfiniment, car cela ne fera qu’engendrer plus de terrorisme et de morts dans la région. Personne n’en sortira gagnant. La France doit sortir de l’alignement sur Washington et rappeler cela. C’est normalement la position gaulliste et traditionnelle de la France.

La France n’est-elle pas en train de perdre son influence internationale ?

La France perd totalement son influence internationale, car une colonie n’a pas de diplomatie. La France est une colonie d’un empire euro-atlantique. La Floride n’a pas de diplomatie, or aujourd’hui, nous sommes l’équivalent de ça : un état fédéré. Nous ne voulons pas comprendre le nouveau monde avec les nouvelles puissances comme les BRICS. Nous devrions dialoguer avec ces puissances. Notre voix est aujourd’hui complètement éteinte car nous sommes une colonie de Bruxelles et Washington. Emmanuel Macron est grotesque et il a nommé un ministre des Affaires étrangères qui peine à parler français.

Outre le Frexit, la dictature sanitaire, la sortie de l’OTAN… Que proposez-vous ?

Il faut que la France se réindustrialise, protéger notre agriculture et nos frontières face aux défis migratoires gigantesques. Mais rien de tout cela n’est possible en restant dans l’Union Européenne.

Il y a un gros débat dans la société en ce moment, la GPA. Quelle est votre position ?

Je suis contre la GPA. Je pense que c’est une marchandisation du corps des femmes. C’est dans l’air du temps ultra-capitaliste, mais du point de vue des valeurs, c’est un vrai problème.

Quelle est votre vision de l’éducation en France et comment proposez-vous d’améliorer le système éducatif ?

Je suis fils d’instituteurs de l’école publique, c’est un sujet qui me tient à cœur depuis longtemps. Il faut d’abord relever le niveau des savoirs et des exigences à l’école. Nous avons voulu faire de la démagogie avec l’élève au centre et le professeur en marge, des tablettes partout… Et tout le monde est en train de revenir de tout cela. L’instruction doit être verticale avec le professeur au centre. Il faut consacrer 50% du temps d’apprentissage à la langue française, retirer le numérique et remettre le cahier et le stylo. Enfin, remettre de l’ordre dans les classes : le respect, la Marseillaise, l’uniforme. Il faut réapprendre aux enfants qu’ils appartiennent à une nation.

Comment analysez-vous l’explosion de l’insécurité en France ?

C’est très inquiétant. Il y a un sentiment de violence gratuite et sauvage. C’est un vrai sujet. Il y a une tendance de fond d’une société très violente car elle n’a plus de repères. Parmi ces repères, il y a l’école, la responsabilisation des parents et des familles… Mais cela doit venir d’en haut. Le gouvernement doit tenir le bon discours et mener les bonnes politiques. Il y a également une question migratoire. Par exemple, l’Afghan qui a tué Mathis il y a quelques semaines n’avait rien à faire en France. Mais tout nous ramène au même problème : l’Union européenne qui interdit l’expulsion des Afghans. Il faut prendre ce sujet sérieusement, quitter l’Union européenne, Schengen et la CEDH, pour expulser et accueillir qui on veut, et une bonne partie du problème migratoire sera résolu.

Adhérez-vous à la thèse du grand remplacement ?

Je n’ai pas besoin d’utiliser de mots comme ça pour parler d’immigration. Il y a aujourd’hui trop d’immigration, trop de gens à reconduire hors de France. Ceux qui utilisent de grandes expressions masquent leurs inactions totales. C’est le cas de Meloni, du RN, de Reconquête, etc. Ils disent « grand remplacement » et « réimmigration » comme des slogans de campagne, mais resteront dans l’Union européenne et feront la même politique que Macron. On l’a vu avec Giorgia Meloni en Italie.

Propos recueillis par Radouan Kourak