Après l’accidentel décès du président Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère le 19 mai, l’Iran se prépare à organiser une élection présidentielle anticipée, initialement prévue pour le printemps 2025. Cet événement inattendu plonge le pays dans une période d’incertitude politique et de manœuvres stratégiques intenses.
Ebrahim Raïssi, décédé à l’âge de 63 ans, était en compagnie de sept autres personnes, dont le chef de la diplomatie Hossein Amir-Abdollahian, lors de l’accident. Conformément à la Constitution iranienne, le guide suprême Ali Khamenei a désigné le président par intérim Mohammad Mokhber pour organiser une élection présidentielle en urgence, fixée au 28 juin.
Les candidats potentiels devront déposer leur candidature auprès du ministère de l’Intérieur entre le 30 mai et le 3 juin, et ils doivent être âgés de 40 à 75 ans, avec ou sans appartenance au clergé. Le Conseil des gardiens de la Constitution validera les candidatures d’ici au 11 juin.
Saïd Jalili, ancien responsable du dossier nucléaire et considéré comme un ultraconservateur, est le premier à annoncer sa candidature. D’autres figures du camp conservateur, comme Mohammad Mokhber et l’ancien président populiste Mahmoud Ahmadinejad, sont également pressenties. Du côté des modérés, des noms comme Mohammad Javad Zarif, ex-ministre des Affaires étrangères, et Ali Larijani, ancien président du Parlement, sont évoqués.
La participation électorale est un enjeu crucial. Lors de l’élection présidentielle de 2021, marquée par l’invalidation de nombreux candidats réformistes et modérés, la participation avait chuté à 49%, le plus faible taux depuis la révolution islamique de 1979. Les élections législatives de mars dernier ont enregistré une abstention encore plus forte, avec seulement 41% des électeurs se rendant aux urnes.
L’influence du Front Paydari, un parti ultraconservateur, est croissante. Fondé en 2011, ce parti suit les principes stricts de la Révolution islamique prônés par l’ayatollah Mohammad Taqi Mesbah Yazdi. Sa montée en puissance, notamment sous la présidence de Raïssi, a renforcé les tensions internes et les divisions idéologiques au sein du régime.
La mort de Raïssi et l’élection à venir sont scrutées de près par la communauté internationale, notamment en raison des tensions au Moyen-Orient, de la guerre à Gaza, et des préoccupations concernant le programme nucléaire iranien. L’Iran, sous le mandat de Raïssi, a renforcé ses relations avec la Chine et la Russie, tout en s’éloignant de l’Occident. Les tensions avec Israël ont culminé en avril dernier avec une attaque de drones iraniens en riposte à une frappe israélienne.
Les trois années de présidence de Raïssi ont été marquées par une série de crises, notamment économiques, avec une inflation galopante, un chômage élevé et une dépréciation de la monnaie nationale. Malgré les sanctions américaines, l’Iran a réussi à maintenir ses exportations pétrolières, principalement vers l’Asie. Sur le plan intérieur, le mouvement de protestation déclenché par la mort de Mahsa Amini en septembre 2022 a secoué le régime, confronté à des revendications croissantes pour plus de libertés et de droits civils.
L’élection présidentielle anticipée du 28 juin sera déterminante pour l’avenir de l’Iran. Le pays est à un carrefour, confronté à des défis internes majeurs et à des tensions géopolitiques exacerbées. La validation des candidatures par le Conseil des gardiens de la Constitution sera un indicateur clé de l’orientation politique future. Pour de nombreux Iraniens, la principale question est de savoir si ce scrutin apportera des changements significatifs ou perpétuera le statu quo conservateur qui a marqué ces dernières années.