Éducation à la sexualité : une réforme entre pédagogie et polémique

27 novembre, 2024 / Entrevue

En décembre, la ministre de l’Éducation nationale, Anne Genetet, devra trancher sur le nouveau programme d’éducation à la sexualité dans les écoles françaises, qui suscite déjà de vifs débats. Ce projet, destiné aux élèves de la maternelle à la terminale, vise à répondre aux lacunes de l’actuel dispositif, mais il est loin de faire l’unanimité.

Depuis 2001, la loi impose trois séances annuelles d’éducation à la sexualité pour les élèves, de l’école primaire au lycée. Pourtant, seuls 15 % des élèves bénéficient réellement de ces enseignements. Face à ce constat, le ministère a élaboré un programme plus ambitieux, qui, s’il est adopté, entrerait en vigueur dès la rentrée 2025. Il s’agit d’aborder des notions clés comme le consentement, la prévention des violences sexuelles ou encore les discriminations.

Des cours adaptés à chaque tranche d’âge

Le programme repose sur une progression pédagogique :

  • À la maternelle et au primaire, il est question d’explorer les émotions, de comprendre son corps et de prendre conscience de son intimité. Les notions de consentement sont abordées de manière ludique et adaptée : par exemple, les enfants apprennent qu’ils ne sont pas obligés de donner un bisou s’ils ne le souhaitent pas. La mixité dans les jeux ou encore la diversité des familles (hétéroparentales, homoparentales, recomposées) sont aussi évoquées.
  • Au collège et au lycée, le programme s’élargit pour aborder la sexualité, la contraception, les maladies sexuellement transmissibles (MST) et les violences numériques. Des sujets comme le plaisir, l’acceptation de soi ou encore l’orientation sexuelle y trouvent également leur place.

Une levée de boucliers conservatrice

Plusieurs associations conservatrices, comme le Syndicat de la famille ou Parents Vigilants, dénoncent ce qu’elles considèrent comme une « idéologie du genre » et une « influence woke ». Ces groupes, issus notamment de la mouvance de la Manif pour tous ou du parti Reconquête, critiquent notamment la place accordée à l’identité de genre. En effet, le terme apparaissait 17 fois dans la dernière version du texte, contre seulement deux fois en mars dernier. Sous la pression, le ministère a finalement décidé de l’éliminer du projet final.

Les défenseurs du programme insistent sur son importance face à des réalités préoccupantes. Aujourd’hui, 50 % des garçons de 12 et 13 ans consultent régulièrement des sites pornographiques. Par ailleurs, 160 000 enfants sont victimes d’agressions sexuelles chaque année. Les syndicats enseignants, comme le SNUipp, soutiennent ce programme, estimant qu’il permet de « déconstruire les représentations violentes et normées de la sexualité » imposées par la culture pornographique.

Des intervenants comme Maryse Boyer, fondatrice de l’association iKi iKi, assurent que les cours sont adaptés à chaque âge. Selon elle, « il n’est jamais question d’apprentissage de la masturbation ou de sujets inappropriés. Chez les plus jeunes, il s’agit d’initier une réflexion sur les émotions et les relations interpersonnelles ».

Une décision attendue en décembre

Malgré les polémiques, Anne Genetet a promis un programme « progressif » et « séquencé ». Son ministre délégué, Alexandre Portier, a toutefois exprimé des réserves sur le projet actuel, estimant qu’il « ne doit pas inclure de militantisme ni de concepts inappropriés au développement des élèves ».

Le texte final sera présenté le 5 décembre au Conseil supérieur de l’éducation. Pour ses détracteurs comme pour ses partisans, le débat ne fait que commencer. Entre enjeux éducatifs, luttes idéologiques et pressions politiques, la question de l’éducation à la sexualité illustre une nouvelle fois la tension entre tradition et modernité au sein du système scolaire français.