Echirolles : les habitants fuient à cause des dealers

25 septembre, 2024 / Entrevue

La ville d’Échirolles, en banlieue de Grenoble, est au cœur d’une décision radicale prise par la maire communiste Amandine Demore. Le 24 septembre 2024, la municipalité a ordonné l’évacuation d’un immeuble de 80 logements, la résidence « Le Carrare », gravement dégradée par les trafiquants de drogue qui s’y sont installés. Les locataires ont reçu l’ordre de quitter les lieux dans les 72 heures, face à des risques considérés comme mortels.

Un immeuble sous emprise des dealers

Situé en plein centre-ville d’Échirolles, à proximité de la mairie, l’immeuble n’appartient pourtant pas à un quartier sensible. Cependant, depuis 2021, les trafiquants ont transformé cet espace en point de deal, occupant des appartements vacants et dégradant l’intérieur du bâtiment. Fusillades, règlements de comptes, installations électriques saccagées… la situation a atteint un point critique cet été avec plusieurs blessés par balles.

Un rapport d’expert, remis à la mairie, a révélé un « danger de mort permanent » pour les résidents en raison des fils électriques à nu, des risques d’incendie et des dégradations structurelles. « Il n’est plus possible de continuer ainsi, nous devons protéger les habitants », a déclaré Amandine Demore lors d’une visite sur place.

Colère et incompréhension des habitants

Les locataires, eux, se disent pris au piège. Karim, 63 ans, a appris la nouvelle à la dernière minute : « On nous demande de partir en trois jours, c’est inhumain. Je ne sais pas où je vais dormir. » Comme lui, beaucoup ne comprennent pas pourquoi ce sont eux, et non les trafiquants, qui doivent quitter les lieux.

« On subit cette situation alors qu’on n’y est pour rien », explique un autre résident. Certains envisagent même de saisir la justice pour contester cette expulsion, qu’ils jugent injuste.

Selon la mairie, cette évacuation est un acte nécessaire pour la sécurité des habitants, bien qu’elle suscite la colère. La copropriété du Carrare devra réaliser des travaux de sécurisation sous trois semaines. Durant cette période, l’immeuble sera fermé et uniquement accessible aux entreprises chargées des réparations.

La municipalité, en collaboration avec la préfecture, s’est engagée à reloger temporairement les habitants. « Personne ne dormira dehors », assure la maire. Toutefois, certains redoutent que les dealers reprennent rapidement leurs activités dès la réouverture de l’immeuble.

Une lutte sécuritaire au point mort

Malgré des opérations régulières, comme celle menée en mars 2024, les forces de l’ordre peinent à contenir le trafic dans cette résidence. La mairie a intensifié les contrôles cet été, interpellant 15 personnes, mais les trafiquants reviennent systématiquement.

Amandine Demore a lancé un appel à l’État, exhortant Emmanuel Macron et le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau à intervenir : « Il faut changer de stratégie, retrouver une police de proximité et pérenniser les moyens de prévention. » Un an après une lettre restée sans réponse adressée à Gérald Darmanin, l’élue attend toujours des mesures concrètes.

Pour les habitants d’Échirolles, la bataille contre les trafiquants de drogue continue, avec le sentiment que les décisions prises pour leur sécurité ne suffisent pas à endiguer un phénomène qui gangrène leur quotidien.