Didier Migaud promet de faire de la justice une « priorité » malgré l’état dégradé des finances publiques

04 octobre, 2024 / Entrevue

Lors de son premier déplacement en tant que ministre de la Justice à Dijon, Didier Migaud a affirmé que la justice resterait « toujours une priorité » du gouvernement, malgré un contexte de finances publiques plus détérioré que prévu. En effet, son prédécesseur, Éric Dupond-Moretti, avait exhorté Migaud à préserver les moyens historiques accordés à la justice, déjà inscrits dans une loi adoptée à l’automne dernier.

Un budget historique à défendre malgré les contraintes budgétaires

Didier Migaud a tenu à réitérer cet engagement, tout en reconnaissant la difficulté financière actuelle. Lors de la prestation de serment des étudiants de l’École nationale des greffes de Dijon, il a insisté sur l’importance de trouver des solutions pour maintenir les investissements nécessaires au bon fonctionnement des services de la justice. « Vous pouvez compter sur moi pour défendre les intérêts de ce ministère », a-t-il déclaré, tout en se montrant plus prudent lors d’une conférence de presse, indiquant « espérer » que les engagements budgétaires soient tenus.

Éric Dupond-Moretti avait annoncé une augmentation significative du budget de la justice, passant de 7,6 milliards d’euros en 2020 à près de 11 milliards d’ici 2027. Ces fonds sont destinés à recruter 1 500 magistrats, 1 800 greffiers et 1 100 contractuels supplémentaires, ainsi qu’à poursuivre la construction de 18 000 nouvelles places de prison. Pour Didier Migaud, il est « indispensable » de respecter cette loi, car il estime que « la justice a souvent été considérée comme un parent pauvre » et qu’un effort significatif a déjà été entrepris, qu’il faut à présent prolonger.

Un débat sur la vision de la justice : entre progressisme et fermeté

Didier Migaud, successeur de Dupond-Moretti depuis le 23 septembre, s’inscrit dans la lignée des grandes figures de la gauche judiciaire, telles que Robert Badinter, Christiane Taubira et Nicole Belloubet. Cette affiliation marque son engagement en faveur d’une justice « progressiste », qui privilégie la réinsertion des condamnés, contrairement à la conception « punitive », généralement soutenue par la droite, qui mise sur la dissuasion par la sanction.

Les ministres de la Justice issus de la gauche ont souvent été des figures clivantes, comme Robert Badinter, nommé en 1981, qui a défendu l’abolition de la peine de mort malgré l’opposition majoritaire de la population. Sa proximité avec le Syndicat de la magistrature, association engagée pour une vision progressiste de la justice, a marqué son mandat, tout comme celui de Christiane Taubira plus tard.

À l’inverse, la droite a choisi des personnalités modérées et s’est montrée hésitante entre des mesures de fermeté, telles que les peines planchers, et des approches plus progressistes, comme les aménagements de peine automatiques. Cette dualité persiste aujourd’hui, alors que Didier Migaud a fait allusion à ses divergences avec le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui prône une plus grande fermeté en matière de justice. « La justice est sévère », a affirmé Migaud, précisant qu’il souhaitait « expliquer » cette réalité aux citoyens pour dissiper les malentendus.

Les attentes de la population : des mesures de fermeté pour plus de sécurité

Les tensions entre ces deux visions de la justice – progressiste et punitive – se retrouvent également dans les attentes des citoyens. Les sondages montrent que la majorité des Français réclament des mesures plus strictes, telles que le retour des peines planchers, la limitation des aménagements de peine, ou encore l’expulsion systématique des délinquants étrangers. Le peuple semble se positionner en faveur d’une justice qui priorise la sécurité et la protection des citoyens.

Le défi pour Didier Migaud sera de répondre à cette demande populaire tout en restant fidèle à une approche progressiste. Cela implique un équilibre délicat entre la fermeté nécessaire pour garantir la sécurité publique et la volonté de réinsertion, au cœur de la doctrine qu’il défend. Les mois à venir seront cruciaux pour voir si le nouveau garde des Sceaux parviendra à concilier ces deux exigences au sein de la politique judiciaire française.