Des données génétiques inédites révèlent qu’une traversée de la Méditerranée aurait eu lieu il y a environ 10 000 ans, bien avant l’apparition des premières grandes civilisations maritimes. C’est ce que démontre une étude publiée dans la revue Nature, à partir de l’ADN de deux individus du Néolithique retrouvés dans le nord de la Tunisie. Leurs profils génétiques indiquent un métissage ancien entre des populations locales d’Afrique du Nord et des chasseurs-cueilleurs d’Europe du Sud. Un homme, en particulier, présentait environ 6 % d’ascendance européenne, preuve d’un contact humain à travers la mer à une époque où aucun moyen de navigation durable n’a été conservé.
Ce résultat soutient une hypothèse longtemps jugée spéculative par les anthropologues : l’existence de relations transméditerranéennes à la période néolithique ancienne, bien avant l’introduction de l’agriculture en Afrique du Nord. Comme l’a expliqué l’anthropologue Ron Pinhasi, coauteur de l’étude, ces résultats valident des soupçons émis dès les années 1990, fondés à l’époque sur des ressemblances morphologiques entre squelettes européens et nord-africains. Les chercheurs évoquent un possible itinéraire par la Sicile et ses îles satellites, comme Pantelleria, où des traces d’obsidienne, une roche volcanique originaire d’Italie, ont été retrouvées sur des sites tunisiens. Cela suggère un mode de navigation par cabotage, d’île en île, sur de petites embarcations rudimentaires.
Cette découverte remet en question la vision cloisonnée des populations préhistoriques. Jusqu’ici, on pensait que les premiers mouvements notables entre Europe et Afrique du Nord remontaient à l’arrivée des agriculteurs européens via le détroit de Gibraltar, 7 000 ans avant notre ère. Cette nouvelle étude montre au contraire que des échanges humains ont eu lieu encore plus tôt, à travers la Méditerranée centrale. Un témoignage de la curiosité, de l’adaptabilité et de l’audace des premiers Homo sapiens, qui, bien avant l’écriture ou la métallurgie, cherchaient déjà à franchir les frontières naturelles pour explorer, échanger ou survivre.