Des empreintes au Kenya révèlent la coexistence possible de deux espèces d’hominidés

Entrevue 1

Une découverte exceptionnelle réalisée sur le site de Koobi Fora, au Kenya, met en lumière la cohabitation probable d’Homo erectus et Paranthropus boisei il y a 1,5 million d’années. Ces empreintes fossilisées, analysées par une équipe internationale de chercheurs, suggèrent une contemporanéité entre ces deux espèces d’hominidés, ouvrant une fenêtre fascinante sur les interactions potentielles de nos ancêtres lointains.

Une découverte unique pour retracer le passé

Les empreintes découvertes sur les bords d’un ancien lac, dans les sédiments de Koobi Fora, témoignent de la présence simultanée d’Homo erectus et Paranthropus boisei sur ce site. Selon les analyses publiées dans Science le 28 novembre 2024, ces traces ont été laissées à seulement quelques heures ou quelques jours d’intervalle. Leurs différences anatomiques et leur taille distincte ont permis d’attribuer ces empreintes à ces deux espèces. Comme l’explique Kevin Hatala, biologiste à l’Université de Chatham et auteur principal de l’étude, ces fossiles révèlent non seulement les mouvements des hominidés, mais aussi leurs interactions avec l’environnement.

Une cohabitation probablement pacifique

Selon les chercheurs, Homo erectus et Paranthropus boisei partageaient le même habitat sans nécessairement entrer en compétition. Les adaptations alimentaires distinctes des deux espèces jouent un rôle clé dans cette hypothèse. Paranthropus boisei, doté de puissantes mâchoires, consommait principalement des plantes fibreuses, tandis qu’Homo erectus, omnivore, variait son régime avec des aliments d’origine végétale et animale. Cette divergence alimentaire aurait permis à ces deux espèces d’exploiter des ressources différentes, facilitant ainsi leur coexistence.

Une preuve inédite de contemporanéité

Bien que l’on sache que plusieurs espèces d’hominidés ont coexisté en Afrique, les preuves directes de leur interaction sont rares. « Cette découverte constitue la première démonstration tangible de leur contemporanéité », souligne Craig Feibel, anthropologue et coauteur de l’étude, cité par EurekAlert!. Il ajoute que l’environnement du lac Turkana, riche en ressources naturelles, aurait favorisé leur cohabitation.

Implications pour l’étude de l’évolution humaine

Les empreintes, en tant que fossiles, offrent un regard unique sur la vie quotidienne de nos ancêtres. Contrairement aux os ou outils, elles révèlent les comportements et les déplacements des individus. « Nous découvrons ici des détails impossibles à obtenir à partir de simples squelettes », note Hatala. Ces résultats soulèvent aussi des questions sur les éventuelles interactions entre espèces, qu’il s’agisse de concurrence ou de simple tolérance dans un même écosystème.

Cette découverte, fruit d’une analyse minutieuse et de technologies modernes comme la numérisation 3D, repousse les limites de nos connaissances sur l’évolution humaine. En réévaluant les relations entre espèces, elle enrichit notre compréhension des complexités des écosystèmes préhistoriques.

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