Denzel Washington : « Je n’en peux plus de ces rôles de Noirs opposés aux rôles de Blancs. Il devrait y avoir des rôles. Point. »

11 novembre, 2024 / Jerome Goulon

À 69 ans, Denzel Washington, l’un des acteurs les plus emblématiques de sa génération, est toujours en pleine forme ! Ce mercredi au cinéma, sortira Gladiator 2, de Ridley Scott, dans lequel il incarne l’empereur romain Macrinus. Un rôle qui a créé la polémique, certains estimant qu’un empereur romain ne pouvait pas être joué par un acteur noir. Dans une interview que la star nous avait donnée, Denzel Washington s’agaçait de ces oppositions entre « rôles de noirs » et « rôles de blancs », dénonçant au passage un racisme systémique à Hollywood, malgré quelques progrès. Des propos plus que jamais d’actualité aujourd’hui…

Entrevue : Les  années passent, mais vois jouez des personnages en pleine forme !
Denzel Washington : Vous n’avez qu’à dire que je suis vieux ! De toute façon, j’ai toujours 29 ans, alors je ne vois pas de quoi vous parlez ! (Rires) En vrai, le temps m’épargne… 

Vous êtes une icône aujourd’hui. Mais avant de connaître la gloire, vous avez connu des moments difficiles…
Oui, quand j’étais plus jeune, je ne pouvais me faire à l’idée qu’il fallait bosser dur dans la vie. Alors je buvais du vin pour alléger ma peine. J’étais tellement alcoolique que je cachais mes bouteilles dans mon bureau quand je travaillais au service postal !

Comment vous en êtes-vous sorti ?
C’était à l’université, pendant des cours d’été que je devais suivre pour rattraper mon retard. On m’a proposé de faire un spectacle pour les enfants. Quand j’ai quitté la scène, un de mes amis m’a dit que j’avais été formidable…

Et alors ?
Il n’en fallait pas plus : j’avais sous mes yeux la réponse à mes années d’errance ! Et je me suis donc inscrit aux cours d’art dramatique. C’est grâce à la comédie et au cinéma que j’ai pu m’en sortir.

Votre enfance a été difficile ?
Oui, très tumultueuse. Quand j’étais enfant, j’étais souvent battu par des voyous. J’ai été tyrannisé par des gosses plus âgés que moi. Ça a été très dur et j’ai vraiment failli mal tourner. C’est pourquoi j’ai éduqué mes enfants en leur disant de ne pas traîner dans les rues. 

À propos d’éducation, vous êtes un homme très religieux …
Oui, je vais à l’église régulièrement. Je fais souvent des dons aux pauvres. Je crois très fort en Dieu, et je pense que sa force est supérieure à celle du diable. Quand tu tombes dans le vice, tu nourris le diable. Satan s’alimente de la peur des hommes, c’est pour ça qu’il ne faut pas rentrer sans son jeu…

Vous êtes marié depuis longtemps ( 41 ans, Ndlr.) et tu as quatre enfants. Tu as parlé plusieurs fois de l’importance des familles unies, surtout chez les Afro-Américains…
Je crois que les enfants noirs ont encore plus besoin que les autres d’un père, parce que le monde est contre eux dès qu’ils entrent en contact avec le système. Ma famille signifie tout pour moi et ma femme est mon héros. Elle a sacrifié sa carrière pour élever nos quatre enfants. Quand tu joues toujours un autre rôle que le tien, le seul endroit où tu es sûr d’être réel, c’est chez toi. Il m’est arrivé de refuser des tournages pour pouvoir passer les vacances avec mes enfants.

Et que pensez-vous de l’attitude d’Hollywood vis-à-vis des Noirs, malgré les évolutions ?
Il y a toujours du racisme aux Etats-Unis, mais d’une manière plus subtile. Aujourd’hui, l’oppression est avant tout d’ordre économique. Le monde est multiracial, mais Hollywood voudrait que les États-Unis soient une société blanche. Je n’en peux plus de tous ces rôles de Noirs opposés aux rôles de Blancs. Il devrait y avoir des rôles. Point. 

Vous êtes quand même un homme comblé aujourd’hui ?
Oui. Vous savez, je vois tellement de souffrance autour de moi que je me sens vraiment béni. Tout ce qu’il y avait de négatif dans ma vie est devenu positif. J’ai réussi à m’en sortir en gardant la tête haute et en priant. Maintenant, j’essaye de ne faire que des bonnes choses pour les autres et pour moi. Je n’irai sûrement pas jusqu’à dire que je suis un saint, mais je m’efforce simplement de rendre les gens heureux dans la mesure de mes moyens.