Défis de la rentrée : enseignants face à un flot de réformes et une crise d’attractivité

Entrevue 1

La rentrée scolaire de cette année se profile dans un contexte particulièrement tendu pour les enseignants de collège et de lycée, qui ont fait leur pré-rentrée aujourd’hui, anticipant l’arrivée de 12 millions d’élèves le 2 septembre. Un sentiment de lassitude se dégage parmi les personnels de l’Education nationale, éprouvés par une cadence soutenue de réformes perçues comme contradictoires et un turnover ministériel sans précédent.

Une année sans ministre titulaire : un symbole de la dérégulation

Pour la première fois, cette rentrée se déroule sans un ministre titulaire à la tête du Ministère de l’Education nationale, un fait qui, pour beaucoup, traduit le désarroi ambiant. Après avoir vu défiler quatre ministres en un an, le dernier étant Nicole Belloubet avant sa récente démission, les enseignants semblent désorientés. « Nous avons besoin de stabilité, nous ne devons pas fonctionner avec le temps politique, » déplore Guislaine David, secrétaire générale et porte-parole du Snuipp-FSU.

Un héritage de réformes controversées

Depuis 2017, sous le mandat de Jean-Michel Blanquer, puis à travers les initiatives diverses de ses successeurs, le système éducatif a été le théâtre de nombreuses réformes : Parcoursup, réforme du lycée général, de la voie professionnelle, et un nouveau brevet. Ces changements, souvent introduits dans l’urgence, ont exacerbé le sentiment d’impuissance des éducateurs. « Chaque semestre, parfois chaque mois, on a des annonces. C’est insupportable, » confie Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du principal syndicat des chefs d’établissement.

Un cri d’Alarme pour les conditions de travail

Au-delà des bouleversements administratifs, c’est la crise structurelle de l’attractivité du métier qui préoccupe profondément les syndicats. Les conditions de travail dégradées et un déclassement salarial progressif depuis vingt ans contribuent à une désaffection croissante pour la profession. L’année dernière, plus de 1.500 postes restaient à pourvoir dans le premier degré, révélant une pénurie d’enseignants que les mesures temporaires peinent à pallier.

Mutation et mobilité : un système en tension

Le système de mutation interdépartementale reste une source majeure de frustration, verrouillé par des disparités géographiques importantes. Dans des départements comme le Morbihan, très sollicité, la probabilité d’obtenir une mutation est presque nulle, poussant certains à envisager la démission pour retenter leur chance ailleurs. L’académie de Créteil, par exemple, illustre ce déséquilibre, concentrant une demande de mutation sur quatre au niveau national.

Vers une réforme du concours de recrutement ?

En réponse à ces enjeux, une réforme du concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) a été annoncée, visant à le replacer au niveau licence plutôt qu’au niveau master. Cependant, ce projet est actuellement en suspens, ajoutant à l’incertitude qui pèse sur la profession.

La rentrée scolaire de 2024 s’annonce donc comme un moment critique pour l’Education nationale française, un baromètre de la santé d’un secteur clé confronté à des défis structurels majeurs. Les enseignants, au cœur de cette tempête, appellent à un retour à la normale qui leur permettrait de se consacrer pleinement à leur mission éducative sans le spectre constant de nouvelles réformes.

Thumbnail