Après une longue période de préparation, le projet de loi sur la fin de vie est enfin arrivé à l’Assemblée nationale pour une première lecture ce lundi. Pendant deux semaines, les députés discuteront d’une proposition visant à autoriser, pour la première fois en France, une « aide à mourir » pour certains patients. Cette initiative, portée par Emmanuel Macron, vise à instaurer un « modèle français de la fin de vie », permettant à certains malades de recevoir une substance létale, sous des conditions strictes.
Les conditions pour bénéficier de l’aide à mourir
Dans sa version initiale, le texte stipule que pour être éligible à cette aide, le patient doit être atteint d’une « affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme », être majeur, capable de manifester sa volonté de manière libre et éclairée, et souffrir de douleurs réfractaires aux traitements ou insupportables. Cependant, des modifications apportées par la commission spéciale ont créé des tensions.
Changements controversés et réactions mitigées
L’un des changements majeurs est le remplacement du critère « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » par « phase avancée ou terminale », élargissant ainsi le nombre de bénéficiaires potentiels. Ce changement a été salué par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et Olivier Falorni, rapporteur du texte, mais combattu par la ministre de la Santé Catherine Vautrin, qui a déposé des amendements pour revenir à la formulation initiale.
Un autre point de friction concerne les directives anticipées. Un amendement permet désormais aux patients de préciser le type d’accompagnement souhaité en cas de perte de conscience irréversible, ce qui a suscité des inquiétudes quant à la cohérence avec l’exigence de manifester sa volonté de manière libre et éclairée.
Administration de la substance létale : qui est responsable ?
La question de l’administration de la substance létale est également source de débat. Initialement, le texte prévoyait que les patients s’administrent eux-mêmes la substance, sauf incapacité. Un amendement propose désormais que les patients puissent choisir librement de déléguer cette tâche à un tiers. Cette modification a renforcé l’opposition au texte de la part de certains groupes religieux et organisations de soignants, qui estiment que cela ouvre « la boîte de Pandore ».
Renforcement des soins palliatifs et soutien partiel de l’Assemblée
En parallèle, le texte prévoit un renforcement des soins palliatifs, une mesure soutenue par de nombreux députés de tous bords politiques. Thomas Ménagé, du Rassemblement National, a indiqué qu’il pourrait soutenir le texte à condition que l’aide à mourir ne soit pas un substitut à des soins palliatifs de qualité.
Malgré l’hostilité dominante à droite et à l’extrême droite, le projet de loi bénéficie d’un soutien significatif à gauche et au sein du camp présidentiel, bien que le sujet transcende les clivages politiques habituels. Certains députés, notamment de La France Insoumise, voient dans ce débat une lutte des classes, soulignant les inégalités entre ceux qui peuvent se permettre de se rendre à l’étranger pour bénéficier d’une aide à mourir et ceux qui ne le peuvent pas.
Un débat de société aux implications profondes
Le débat autour de ce projet de loi dépasse les divisions politiques traditionnelles et soulève des questions éthiques et sociales profondes. Les discussions parlementaires devraient permettre de préciser les termes du texte et d’aboutir à un compromis acceptable pour toutes les parties concernées.
La première lecture à l’Assemblée nationale durera deux semaines, mais la discussion parlementaire pourrait s’étendre sur un an et demi. Le gouvernement vise une application de la loi avant la fin du quinquennat, promettant ainsi une évolution majeure dans la législation française sur la fin de vie.