De Gaulle, le guide de la France d’hier et de demain

09 novembre, 2024 / Radouan Kourak

54 ans se sont écoulés depuis la disparition de Charles de Gaulle, le 9 novembre 1970, dans sa paisible résidence de Colombey-les-Deux-Églises. Ce jour-là, la France apprenait qu’elle venait de perdre non seulement un président, mais un symbole, un guide, et surtout l’homme qui incarna une certaine idée de la France. Georges Pompidou, son successeur, n’aura que quelques mots pour annoncer la triste nouvelle : « Le Général de Gaulle est mort. La France est veuve. » Une phrase qui, aujourd’hui encore, résonne comme un chant funèbre dans la mémoire collective. Retour sur le mythe de Gaulle, ce géant qui a donné à la France une voix forte et une stature inébranlable.

Pour beaucoup, le Général de Gaulle, c’est d’abord l’homme du 18 juin 1940, celui qui osa dire « non » alors que tout semblait perdu, celui qui rallia l’honneur d’une France en déroute. Cet appel est devenu le socle d’un imaginaire national, où le Général incarne la bravoure et la ténacité d’une nation qui refuse la défaite. Dès lors, de Gaulle n’est plus seulement un homme, il devient le visage de la France résistante, la France qui se relève malgré les tempêtes. Ce moment charnière reste l’acte fondateur d’une légende. Et cette légende, de Gaulle l’a entretenue et amplifiée tout au long de sa vie publique.

Pendant les trente ans qui suivent, de Gaulle est omniprésent dans les moments décisifs de la France. En 1958, il revient au pouvoir et fonde la Cinquième République, dont la Constitution place le président au centre du pouvoir. Il veut une France stable, indépendante, forte, et impose sa vision. Sa Constitution, bien que révisée au fil des ans, reste aujourd’hui un des piliers de la stabilité politique française. Beaucoup pensent que sans de Gaulle, la France ne serait pas la même, et c’est en grande partie vrai : il a redéfini le rôle du président en lui conférant une stature sans précédent, celle d’un chef d’État à la fois pragmatique et visionnaire.

L’indépendance, une ligne de conduite

Si de Gaulle est tant aimé – et parfois critiqué – c’est aussi pour son entêtement à vouloir une France libre de toute emprise étrangère. À une époque où la guerre froide contraint les nations à choisir un camp, il fait le choix de l’indépendance, quitte à bousculer les grandes puissances. Son retrait de l’OTAN en 1966 est un geste fort, un pied de nez à l’Amérique de la guerre du Vietnam. Pour lui, la France ne doit être l’alliée de personne, si ce n’est d’elle-même. Ce choix audacieux marque encore aujourd’hui la diplomatie française. De Macron à Le Pen, tous les bords politiques se réclament de cette souveraineté gaullienne, chacun tentant d’incarner, à sa manière, cette volonté de ne jamais être à la remorque d’une autre puissance.

En cultivant cette indépendance, de Gaulle a tracé la voie pour une France fière et respectée. Son nom partout dans le monde est devenu synonyme de patriotisme. Même dans la modernité globalisée du XXIe siècle, son ombre plane sur les décisions de politique étrangère. En somme, de Gaulle a non seulement façonné les institutions, mais il a également donné à la France un rôle international unique, celui d’un pays qui ne courbe l’échine devant personne.

Au-delà de la politique, de Gaulle était aussi un visionnaire économique. S’il soutenait l’industrie nationale, c’était par conviction, persuadé que la France devait être autosuffisante pour préserver sa souveraineté. Il a lancé de grands projets industriels, notamment dans le domaine du nucléaire civil, offrant à la France une indépendance énergétique qui reste aujourd’hui un enjeu stratégique. Son modèle économique, axé sur l’autosuffisance et la modernisation, continue d’inspirer les politiques contemporaines qui cherchent à redynamiser le tissu industriel français.

De Gaulle, c’était aussi une certaine idée du progrès social, un engagement envers une économie qui profiterait à tous. Le gaullisme, bien que souvent perçu comme conservateur, avait en réalité un volet social qui résonne encore. Aujourd’hui, quand la France débat de la réindustrialisation et de la souveraineté économique, c’est souvent à de Gaulle que l’on pense, en se demandant : que ferait le Général dans un monde mondialisé où la concurrence est féroce ? Son exemple reste un modèle de résilience, à une époque où la France cherche à renouer avec son indépendance économique.

Si de Gaulle fascine encore, c’est aussi pour son audace, pour sa capacité à prendre des décisions parfois risquées. En mai 68, alors que la France est en ébullition, il quitte le pays pour quelques heures, laissant croire à certains qu’il a fui. En réalité, il se rend à Baden-Baden pour s’assurer du soutien de l’armée. Son retour marque la fin des troubles, et le Général en ressort renforcé. Cette capacité à affronter les crises de front, sans se laisser intimider par la tempête, fait de lui un modèle de leadership, un exemple pour ceux qui, encore aujourd’hui, prônent une action politique ferme et résolue.

De Gaulle, l’icône éternelle

De nos jours, nombreux sont ceux qui revendiquent l’héritage de Gaulle. À droite, on invoque régulièrement son nom pour valoriser la souveraineté et l’identité française. Marine Le Pen, Laurent Wauquiez, Éric Zemmour – tous se disent les héritiers d’une certaine idée de la France, celle du général. À gauche, Jean-Luc Mélenchon mentionne souvent de Gaulle pour sa défense de l’indépendance nationale. Mais ces récupérations politiques divisent. Car le gaullisme, en réalité, ne se laisse pas enfermer dans une case : il est tout à la fois un patriotisme et un appel à l’unité, une rigueur et une souplesse, un passé et une vision d’avenir.

Les valeurs gaullistes transcendent les clivages, et si elles trouvent encore un écho aujourd’hui, c’est parce qu’elles résonnent avec les aspirations de nombreux Français, au-delà des partis. Les jeunes, surtout, découvrent dans le général une figure d’autorité, une sorte de « boussole » morale dans un monde souvent incertain. De Gaulle incarne le respect de la France, la fierté nationale, et l’idée d’un État fort, au service de tous.

Au-delà des institutions et des discours, de Gaulle reste une figure tutélaire pour beaucoup. Comme l’avait dit René Coty, « happé par l’histoire, il est lui-même devenu l’Histoire ». Aujourd’hui, les Français continuent de voir en lui non pas seulement un président, mais un repère moral, un phare dans la tempête. Quand tout vacille, c’est vers lui que les regards se tournent, en quête d’inspiration, de force et de résilience. Il est l’icône d’une France qui ne baisse jamais la tête, d’une France qui croit en elle-même, d’une France qui sait dire « non » quand il le faut.

54 ans après sa mort, le général de Gaulle est toujours là, présent dans les esprits et dans les cœurs, une figure qui transcende les époques. Alors que la France affronte de nouveaux défis, de Gaulle reste cette « boussole » qui, pour beaucoup, montre encore la voie.