Crise politique en Corée du Sud : l’opposition veut destituer à son tour le président par intérim

Entrevue 1

La crise politique qui agite la Corée du Sud depuis le début du mois de décembre a franchi un nouveau cap ce jeudi, lorsque l’opposition a annoncé avoir déposé une motion de destitution à l’encontre du président par intérim, Han Duck-soo. Premier ministre de 75 ans, ce haut fonctionnaire de carrière assure l’intérim de la présidence depuis la suspension du chef de l’État conservateur Yoon Suk-yeol, destitué par le Parlement le 14 décembre dernier.

Un blocage sur la Cour constitutionnelle

La raison majeure de cette motion réside dans le refus de Han Duck-soo de nommer trois nouveaux juges à la Cour constitutionnelle, pourtant indispensables pour examiner la procédure de destitution de Yoon Suk-yeol. Le président déchu est accusé d’avoir tenté d’imposer la loi martiale et de faire intervenir l’armée au Parlement dans la nuit du 3 au 4 décembre. La Cour constitutionnelle compte neuf membres, mais seuls six siègent actuellement. Pour destituer définitivement le président, une majorité des deux tiers est requise. Si les trois postes vacants ne sont pas pourvus, il faudra alors l’unanimité des six juges en place pour confirmer l’éviction de Yoon Suk-yeol. Dans le cas contraire, il recouvrerait automatiquement ses fonctions.

Han Duck-soo justifie son inaction en faisant valoir que, n’occupant la présidence qu’à titre intérimaire, il ne disposerait pas de l’autorité pour procéder à des nominations aussi importantes. Il réclame avant tout un accord entre le Parti du pouvoir au peuple (PPP, formation du président déchu) et l’opposition, laquelle détient la majorité au Parlement avec 192 sièges sur 300.

La Constitution sud-coréenne prévoit pourtant une différence de traitement selon les fonctions : la destitution du président requiert une majorité des deux tiers à l’Assemblée nationale, tandis que celle d’un Premier ministre n’en nécessite qu’une simple. L’opposition considère donc qu’il suffit d’un vote majoritaire pour obtenir le départ de Han Duck-soo. Le PPP, de son côté, affirme qu’étant donné son statut de président par intérim, le seuil des deux tiers doit également s’appliquer.

Un nouveau président par intérim ?

Si la motion contre Han Duck-soo est adoptée, ce serait la première fois qu’un président par intérim est lui-même destitué après la mise à l’écart d’un président en exercice. Dans ce cas, le ministre des Finances, Choi Sang-mok, deviendrait chef de l’État par intérim. Pendant ce temps, Yoon Suk-yeol, 64 ans, fait l’objet d’une enquête pour « rébellion », un crime passible de la peine de mort en Corée du Sud. Le Bureau d’enquête sur la corruption l’a déjà convoqué deux fois, sans succès. Les enquêteurs doivent décider s’ils adressent une troisième convocation ou s’ils réclament un mandat d’amener pour le faire comparaître de force.

La Cour constitutionnelle doit tenir une première audience ce vendredi 27 décembre pour étudier la destitution de Yoon Suk-yeol. L’avenir politique de l’ancien président déchu dépendra en grande partie du sort des trois sièges vacants : tant que ces postes ne sont pas pourvus, l’opposition, majoritaire à l’Assemblée, craint de ne pas parvenir à réunir l’unanimité parmi les six juges. De quoi prolonger encore l’incertitude et la crise institutionnelle dans la quatrième économie d’Asie.

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