Crash à Muan : la Corée du Sud face à ses failles aériennes

Entrevue 1

La Corée du Sud a annoncé des mesures drastiques après le crash meurtrier d’un Boeing 737-800 appartenant à la compagnie low-cost Jeju Air, survenu dimanche matin à l’aéroport de Muan, dans le sud-ouest du pays. Cette tragédie a coûté la vie à 179 personnes parmi les 181 passagers et membres d’équipage à bord. Seuls deux membres d’équipage, une hôtesse et un steward, ont survécu, blessés mais hors de danger vital. En réponse, les autorités sud-coréennes envisagent des « inspections spéciales » de l’ensemble des 101 avions de ce modèle opérant actuellement dans le pays. Un deuil national de sept jours a été décrété pour honorer les victimes.

Un atterrissage désespéré suivi d’une catastrophe

Des images diffusées par la chaîne MBC ont montré l’appareil tentant un atterrissage d’urgence sur le ventre. De la fumée s’échappait des moteurs lorsqu’il a percuté un mur situé en bout de piste, avant d’être englouti par les flammes. Selon les premières conclusions de l’enquête, une collision avec des oiseaux pourrait être à l’origine du drame. La tour de contrôle avait alerté l’équipage sur la présence de volatiles à proximité de l’aéroport, seulement trois minutes avant l’impact.

« Il est plausible que des canards, répandus dans cette région, aient provoqué la panne des moteurs », a estimé Choi Chang-yong, professeur à l’université nationale de Séoul. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et d’autres experts soulignent néanmoins que l’infrastructure de l’aéroport de Muan pourrait avoir aggravé les conséquences de cet incident. « La présence d’obstacles solides en bout de piste est une anomalie par rapport aux normes internationales », a déclaré Kim Kwang-il, ancien pilote et professeur de sciences aéronautiques à l’université de Silla.

Un modèle d’avion sous le feu des projecteurs

Le crash a jeté une lumière crue sur les Boeing 737-800 exploités en Corée du Sud. Quelques heures seulement après l’accident, un autre appareil du même modèle et de la même compagnie aérienne a dû retourner à l’aéroport de Gimpo, près de Séoul, en raison d’un problème de train d’atterrissage. Bien que l’incident n’ait pas causé de victimes, il a renforcé les inquiétudes quant à la sécurité des avions de Jeju Air, principal opérateur low-cost du pays, qui possède à lui seul 39 Boeing 737-800.

Selon les premières hypothèses, la collision avec les oiseaux aurait provoqué un incendie dans les moteurs, perturbant les systèmes électriques nécessaires au fonctionnement du train d’atterrissage. L’avion aurait alors été contraint de tenter un atterrissage d’urgence sans roues, un scénario pour lequel il est conçu mais qui reste risqué.

Jeju Air, déjà dans le viseur des autorités, pourrait voir sa responsabilité mise en cause. Des données du ministère sud-coréen des Transports montrent que la compagnie privilégie souvent une forte rentabilité au détriment de la sécurité. L’appareil impliqué dans le crash avait effectué 13 vols en seulement 48 heures. L’âge moyen des avions de Jeju Air est également plus élevé que celui des flottes de Korean Air ou Asiana Airlines. Depuis l’an 2000, la compagnie a reçu neuf sanctions administratives pour des manquements graves, notamment en 2022 pour le transport de marchandises dangereuses.

Enquête internationale en cours

Les boîtes noires de l’appareil ont été récupérées et sont en cours d’analyse. Une équipe de l’Agence nationale de sécurité des transports américaine (NTSB) a été dépêchée sur place, avec des experts de Boeing pour assister l’enquête. Cette collaboration internationale vise à déterminer les causes exactes de l’accident et à prévenir de futurs incidents.

Pour l’heure, les drapeaux sont en berne en Corée du Sud, et des cérémonies de commémoration sont organisées sur les lieux du drame. Le président intérimaire Choi Sang-mok a promis des mesures strictes pour renforcer la sécurité aérienne, alors que les critiques se multiplient à l’encontre de Jeju Air et de l’infrastructure aéroportuaire nationale.

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