Contre la suppression de l’AME, huit ministres de la Santé tirent la sonnette d’alarme

27 septembre, 2024 / Entrevue

Dans une tribune publiée dans Le Monde, huit anciens ministres de la Santé, parmi lesquels Olivier Véran, Roselyne Bachelot et Agnès Buzyn, s’unissent pour dénoncer la volonté du gouvernement de restreindre l’Aide médicale d’État (AME). Ce dispositif, qui permet aux étrangers en situation irrégulière d’accéder gratuitement à certains soins, est actuellement menacé par une réforme voulue par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Celui-ci propose de transformer l’AME en une « aide médicale d’urgence », limitant considérablement les soins pris en charge.

Les signataires de la tribune préviennent des conséquences « sanitaires, humaines, sociales et économiques inacceptables » d’une telle réforme. Selon eux, restreindre l’AME n’aura pas d’impact sur l’immigration illégale, mais aura des effets néfastes pour la santé publique. « Affaiblir l’AME, c’est exposer notre système de santé à une pression accrue de prises en charge plus tardives, et donc plus graves et plus coûteuses », soulignent-ils.

L’AME, un dispositif essentiel mais sous conditions

L’Aide médicale d’État s’adresse actuellement aux étrangers résidant en France depuis plus de trois mois et dont les ressources annuelles sont inférieures à 10 166 euros. Ce dispositif couvre une large palette de soins médicaux et dentaires, ainsi que certains médicaments, analyses, vaccinations, et frais d’hospitalisation. En 2024, l’enveloppe budgétaire allouée à l’AME s’élève à 1,2 milliard d’euros, soit environ 0,5 % des dépenses de santé prévues par la Sécurité sociale.

Malgré le montant relativement faible de ce budget, l’AME est régulièrement critiquée par certains responsables politiques qui l’accusent de favoriser l’immigration. Les anciens ministres de la Santé, eux, dénoncent un « fantasme » et insistent sur le fait que l’AME n’incite pas à l’immigration clandestine. Ils rappellent également que remettre en cause ce dispositif irait à l’encontre des principes de prévention et de santé publique mis en place au fil des années.

Un débat politique sous tension

La proposition de réforme de Bruno Retailleau divise aussi bien la gauche que le camp présidentiel. Alors que la droite défend une approche plus stricte de l’immigration et de l’accès aux soins, les anciens ministres considèrent que restreindre l’AME aboutirait à un « piège » pour les hôpitaux, les poussant à traiter des patients dans un état de santé déjà dégradé. Cette réforme, préviennent-ils, risque d’entraîner une augmentation des coûts pour les finances publiques à long terme.

La tribune vise à alerter le gouvernement sur les dangers d’une telle réforme, alors que les tensions autour de la question de l’immigration et de la gestion des soins aux populations les plus vulnérables restent vives au sein du gouvernement Barnier.