Les 56 membres du Commonwealth ont conclu leur sommet aux Samoa par une déclaration marquant une avancée notable : l’organisation a pris acte des appels à une « justice réparatrice » pour la traite transatlantique des esclaves et a convenu qu’« il est temps d’entamer une conversation utile, sincère et respectueuse » sur ce sujet délicat. Cette déclaration est le fruit de longues négociations, témoignant des divisions et des sensibilités autour de l’histoire coloniale commune.
Un débat sur le passé colonial et ses séquelles
Créé à l’origine par le Royaume-Uni et ses anciennes colonies, le Commonwealth s’est élargi pour inclure des pays comme le Togo et le Gabon, ex-colonies françaises. Au cours des siècles, la traite négrière transatlantique a touché environ 10 à 15 millions de personnes arrachées à l’Afrique pour être asservies dans les Amériques. Face à cet héritage, de nombreuses nations d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique réclament des réparations sous diverses formes, y compris financières, ou au moins des excuses officielles des anciennes puissances coloniales.
Les négociations à Apia ont été marquées par les réticences du Royaume-Uni, qui a cherché à éviter toute référence directe à une compensation financière ou à des excuses formelles. Keir Starmer, le Premier ministre britannique, a réaffirmé cette position en déclarant : « Depuis deux jours, aucune des discussions n’a porté sur l’argent ». Il a qualifié les échanges de « très positifs », tout en soulignant que la position britannique reste inchangée.
Vendredi, Philip Davis, Premier ministre des Bahamas, a exprimé le souhait de voir le Commonwealth reconnaître les injustices passées et œuvrer pour la « justice » en réponse aux souffrances causées par l’esclavage. « Notre histoire est profondément entremêlée, ce qui implique la responsabilité de faire face au passé avec honnêteté », a-t-il souligné. Les revendications de justice ne se limitent pas à l’argent, mais incluent également la reconnaissance des effets durables de l’exploitation coloniale.
Cependant, le sommet a également révélé les divergences sur la manière d’aborder cette histoire. Le roi Charles III, présent à Apia, a refusé de présenter des excuses, invitant les participants à « rejeter le langage de la division ». Il a déclaré : « Aucun d’entre nous ne peut changer le passé. Mais nous pouvons nous engager, de tout notre cœur, à en tirer les leçons et à trouver des moyens créatifs de corriger les inégalités qui perdurent ».
Un pas vers la justice réparatrice
Pour Joshua Setipa, candidat à la tête du Commonwealth, l’inclusion de la notion de justice réparatrice dans la déclaration finale constitue une « avancée significative ». Il a suggéré que les réparations pourraient prendre des formes alternatives, telles que le financement d’initiatives contre le changement climatique.
Le sommet a aussi été l’occasion de nommer Shirley Ayorkor Botchwey, ministre des Affaires étrangères du Ghana, comme nouvelle secrétaire générale du Commonwealth. Connue pour son rôle dans la diplomatie ghanéenne et au Conseil de sécurité de l’ONU, elle a soutenu les appels à des réparations historiques et à un accord de libre-échange entre les membres.
Les chefs d’État ont également adopté une « déclaration sur les océans », reconnaissant les frontières maritimes même en cas de montée des eaux, montrant la volonté du Commonwealth de s’attaquer aux défis climatiques, une question particulièrement cruciale pour les petites nations insulaires du Pacifique.
En conclusion, le sommet d’Apia marque une étape importante dans la reconnaissance des blessures du passé colonial, avec l’engagement d’un dialogue constructif sur l’esclavage et ses répercussions. Toutefois, les obstacles demeurent, notamment en ce qui concerne les formes concrètes de réparation.