Comment le Sénat s’est retrouvé en position de force pour remodeler le budget 2025

25 novembre, 2024 / Entrevue

Le projet de loi de finances 2025, pièce maîtresse du gouvernement Barnier, entame ce lundi son examen au Sénat. Rejeté à l’Assemblée nationale dans sa version remaniée, le texte revient devant les sénateurs dans sa version initiale, celle défendue par l’exécutif. Cette étape s’annonce cruciale pour le Premier ministre Michel Barnier, qui mise sur le soutien de la majorité sénatoriale pour porter son budget à bout de bras.

Contrairement à l’Assemblée nationale, marquée par une absence de majorité claire, le Sénat dispose d’une coalition solide. Les 245 sénateurs issus de la droite (LR) et du centre (Union centriste, RDSE) forment un « socle commun » autour du gouvernement. Ce soutien inédit permet au Sénat de jouer un rôle stratégique, notamment pour ajuster certaines mesures controversées. Le Premier ministre, conscient de cette dynamique, a multiplié les consultations avec les principaux acteurs de la chambre haute, dont Gérard Larcher, président du Sénat, et Jean-François Husson, rapporteur général du budget.

Les mesures phares en débat

Le projet de loi vise à réaliser 60 milliards d’euros d’économies et à ramener le déficit à 5 % du PIB d’ici 2025. Parmi les mesures proposées :

  • Une imposition minimale de 20 % pour les ménages les plus aisés, sur trois ans.
  • Une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, avec 8 milliards d’euros espérés.
  • Une hausse des taxes sur l’énergie, notamment l’électricité.

Si ces mesures sont globalement soutenues, le Sénat s’apprête à en modifier certains aspects. Les sénateurs rejettent ainsi la hausse prévue de la taxe sur l’électricité, en raison de son impact sur le pouvoir d’achat, mais envisagent de compenser ce refus par une augmentation de la taxe sur le gaz.

Les collectivités locales au cœur des discussions

Le traitement des collectivités locales reste un point de friction majeur. Le gouvernement prévoit un effort de 5 milliards d’euros, répartis entre une réduction du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) et un prélèvement sur les recettes des grandes collectivités. Gérard Larcher propose de limiter cet effort à 2 milliards d’euros, une position soutenue par la majorité sénatoriale. Ce geste vise à protéger les collectivités les plus fragiles, tout en préservant l’équilibre budgétaire.

Le passage au Sénat marque une phase intermédiaire avant une éventuelle commission mixte paritaire (CMP) entre les deux chambres. Si un compromis est trouvé, le texte reviendra à l’Assemblée nationale, où le gouvernement prévoit de recourir à l’article 49.3 pour faire adopter son budget. Ce choix, bien que stratégique, ouvre la porte à une motion de censure, dont l’issue pourrait s’avérer périlleuse pour Michel Barnier.

Vers un rééquilibrage politique ?

Avec ce projet de loi de finances, le Sénat se retrouve pour la première fois en position de force pour influencer les grandes orientations budgétaires. Les sénateurs, attachés à leur indépendance, entendent en profiter pour imposer leurs « marqueurs », tout en affichant un soutien loyal au gouvernement. « Le Sénat doit prendre ses responsabilités. Pour la première fois, c’est lui qui est en capacité de faire le budget », souligne François Patriat, chef de file des sénateurs macronistes.

Le vote solennel prévu le 12 décembre sera une première indication de la capacité du Sénat à peser sur le projet de loi. Mais l’issue finale, attendue après la CMP, déterminera si cette nouvelle majorité sénatoriale peut réellement remodeler le budget à ses conditions.