Alors que le régime de Bachar al-Assad vacille sous la pression d’une offensive rebelle sans précédent, le spectre d’un effondrement total de l’État syrien se dessine. Si la chute du dictateur, responsable de treize ans de guerre civile sanglante, peut apparaître comme une étape majeure pour certains, les récents événements suscitent une inquiétude profonde quant à l’avenir de la Syrie. En effet, ce sont des groupes islamistes radicaux, dominés par Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui mènent l’assaut, ouvrant la voie à un potentiel basculement du pays vers un régime théocratique extrême.
Une avancée fulgurante des rebelles
Depuis le 27 novembre, les forces de la coalition menée par HTS, autrefois cantonnées dans la province d’Idlib, ont conquis en quelques jours des villes stratégiques telles qu’Alep, Hama, et bientôt Homs. Dans le sud, des révoltes indépendantes mais tout aussi hostiles au régime ont jailli, menaçant la capitale. La stratégie semble claire : encercler Damas et isoler le régime d’Assad. Ce samedi 7 décembre, des milliers de soldats syriens auraient déserté ou traversé la frontière irakienne, abandonnant des équipements militaires stratégiques, tandis que des manifestants renversaient des statues de Hafez al-Assad dans la banlieue de la capitale.
La présidence syrienne continue de nier les rumeurs selon lesquelles Bachar al-Assad aurait fui le pays, affirmant qu’il exerce toujours ses fonctions depuis Damas. Mais la réalité sur le terrain s’effondre pour le régime, fragilisé par le retrait progressif de ses soutiens russes et iraniens. L’armée russe, concentrée sur la guerre en Ukraine, a déjà commencé à évacuer du matériel de valeur depuis Tartous. L’Iran, tout en réaffirmant son soutien au régime, appelle désormais à un « dialogue politique », laissant entrevoir une certaine résignation.
Si le régime d’Assad a longtemps incarné une brutalité dictatoriale, sa potentielle chute n’offre pas la garantie d’une transition vers un État stable et démocratique. HTS, groupe héritier d’Al-Qaïda en Syrie, et d’autres factions islamistes dominent le champ rebelle. Leurs vidéos de propagande montrent des parades militaires et des démonstrations de force, mais aussi des célébrations populaires orchestrées dans des zones nouvellement conquises.
Pour les populations locales, la libération des prisons par les rebelles a suscité des scènes d’émotion, notamment avec la réapparition de détenus portés disparus depuis des décennies. Mais la perspective d’un régime dirigé par HTS, classé comme organisation terroriste par l’ONU, suscite de fortes craintes. Ce basculement risque d’entraîner la Syrie dans une nouvelle ère d’extrémisme religieux, avec des implications régionales et internationales.
La chute de Damas pourrait provoquer un effet domino au Moyen-Orient. Pour l’Iran et le Hezbollah libanais, la Syrie constitue un axe stratégique vital pour maintenir leur influence régionale et leur position face à Israël. Une victoire des rebelles islamistes isolerait ces acteurs, mais pourrait également raviver les tensions confessionnelles au Liban voisin.
Israël, déjà en proie à des conflits intenses dans la bande de Gaza, surveille attentivement l’évolution en Syrie. Les frappes aériennes sur des entrepôts soupçonnés de contenir des armes chimiques témoignent de sa volonté d’empêcher ces arsenaux de tomber entre les mains de HTS.
Une position internationale ambiguë
Les grandes puissances restent divisées sur la crise syrienne. Les États-Unis, par la voix de Donald Trump, ont clairement exprimé leur intention de ne pas s’impliquer directement, malgré leur soutien à certaines factions rebelles kurdes. La Russie et l’Iran semblent, quant à eux, chercher à limiter les pertes plutôt qu’à garantir la survie du régime d’Assad.
L’ONU estime déjà à plus de 370 000 le nombre de personnes déplacées par les récents combats. Si la tendance se poursuit, jusqu’à 1,5 million de Syriens pourraient être contraints de fuir, accentuant la crise humanitaire dans la région.
L’effondrement du régime d’Assad, tant attendu par de nombreux Syriens et par la communauté internationale, pourrait bien n’être que le début d’un nouveau chapitre sombre pour la Syrie. La violence du régime ne doit pas être minimisée, mais le triomphe des intégristes islamistes n’est guère une solution salvatrice. La communauté internationale, prise entre la crainte d’un État islamiste et le rejet d’une dictature sanglante, doit désormais réfléchir aux moyens de soutenir une transition politique qui éviterait de nouveaux bains de sang.