Changement de cap à Matignon : Bayrou succède à Barnier

Entrevue 1

Ce vendredi 13 décembre 2024, en fin d’après-midi, la cour de l’hôtel de Matignon a été le théâtre d’une nouvelle passation de pouvoirs. Neuf jours après la chute du gouvernement Barnier et au terme de longues tractations menées par l’Élysée, François Bayrou a officiellement pris ses fonctions de Premier ministre, succédant ainsi à Michel Barnier.

La journée s’est déroulée dans un climat politique électrique, conséquence directe de la motion de censure qui a renversé le gouvernement Barnier. La nomination de François Bayrou, personnalité centriste et allié historique d’Emmanuel Macron, n’a été confirmée que tardivement, faisant écho aux difficultés rencontrées par le Président de la République pour trouver un successeur capable de fédérer au-delà des clivages traditionnels. Le nouveau chef du gouvernement devra composer un exécutif susceptible d’éviter une nouvelle censure et de rassembler suffisamment large pour mettre en œuvre les réformes annoncées.

Arrivé peu avant 17 heures à Matignon, François Bayrou a été accueilli sur le perron par Michel Barnier, visiblement serein malgré la brièveté de son passage à la tête du gouvernement. Les deux hommes se sont entretenus à l’intérieur de l’hôtel de Matignon pendant une trentaine de minutes, un moment traditionnellement réservé à la transmission des dossiers urgents et des notes de travail en cours. Leur échange, s’il n’a pas été rendu public, s’inscrit dans la continuité institutionnelle, malgré les fractures politiques qui ont mené à ce changement de Premier ministre.

Des discours sous le signe de la responsabilité

Lors de la cérémonie de passation dans la cour de Matignon, Michel Barnier a d’abord pris la parole, dressant le bilan de ses trois mois à la tête du gouvernement, entachés par une « alliance improbable » entre forces politiques antagonistes ayant abouti à la chute de son gouvernement. Une gouvernement de tension comme en témoigne la rivalité entre Didier Migaud, ministre de la justice ouvertement de gauche et le très efficace Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur conservateur.Le Premier ministre sortant a insisté sur la nécessité de ne pas éluder les défis financiers auxquels la France fait face, pointant la persistance du déficit et l’impérieuse urgence de le maîtriser, faute de quoi les générations futures en paieraient le prix.

Prenant à son tour la parole, François Bayrou a immédiatement reconnu la « gravité de la situation » budgétaire, en appelant à regarder la réalité « les yeux ouverts ». Se référant à ses anciens combats, notamment ceux menés lors de précédentes campagnes présidentielles, le nouveau Premier ministre a présenté la question de la dette comme un « problème moral » autant que financier. Il a promis de « ne rien cacher, ne rien négliger, ne rien laisser de côté » dans la recherche des équilibres et la conduite de réformes, afin de restaurer la confiance entre les citoyens et les gouvernants.

Un gouvernement « d’intérêt général » à construire

Si l’heure était au passage de témoin, les regards se tournent déjà vers la composition du prochain gouvernement. Le choix de François Bayrou témoigne, selon l’Élysée, de la volonté d’Emmanuel Macron de former une équipe plus « consensuelle » et « d’unité nationale », afin de sortir de l’impasse parlementaire. Des tractations sont en cours avec différents partis, y compris de droite et de gauche modérées, qui ont fait savoir qu’ils attendraient les propositions concrètes du nouveau locataire de Matignon avant de se prononcer sur une éventuelle participation au gouvernement.

Désormais habitué à la bordelisation des institutions, La France insoumise a d’ores et déjà annoncé le dépôt d’une motion de censure. Le Rassemblement national, lui dans une démarche constructive, ne menace pas de bloquer a priori le nouveau gouvernement, mais prévient qu’il n’hésitera pas à brandir de nouveau cet outil de contrôle si les engagements budgétaires ou migratoires ne lui paraissent pas satisfaisants.

Ainsi, la passation de pouvoir entre Michel Barnier et François Bayrou marque moins la fin d’une crise gouvernementale qu’elle n’ouvre un nouveau chapitre, encore incertain, d’une législature sous haute tension. L’équilibre que François Bayrou parviendra — ou non — à établir déterminera l’avenir politique des mois à venir.

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Journaliste, chroniqueur et producteur, Radouan Kourak est un passionné d’histoire et de politique. Il se distingue par son goût pour l’analyse, le débat, le pluralisme et la confrontation d’idées. Repéré par Cyril Hanouna, il est un habitué des plateaux de C8 et CNews, où il intervient avec conviction et réflexion. Il apporte dans les médias, une perspective unique nourrie par sa passion pour la France et son souci de rigueur.

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