C’était un 2 mars : la France réduisait le nombre d’heures dans une journée de travail

Entrevue 1

Le 2 mars 1848, dans l’effervescence révolutionnaire qui suit la chute de la monarchie de Juillet, le gouvernement provisoire de la IIe République adopte un décret historique réduisant la durée quotidienne du travail. Désormais, la journée de travail est fixée à dix heures à Paris et onze heures en province. Ce texte, justifié par le souci de préserver la santé des ouvriers et de garantir leur dignité, marque une première tentative de régulation du temps de travail en France. Cependant, cette avancée sociale suscite rapidement des résistances. Quelques mois plus tard, avec l’arrivée d’une nouvelle majorité conservatrice à l’Assemblée, la mesure est remise en cause et sera finalement abrogée en septembre 1848. Malgré sa courte durée d’application, ce décret jette les bases d’un débat qui animera les luttes ouvrières du XIXe siècle et ouvrira la voie à la revendication des « trois huit » : huit heures de travail, huit heures de loisirs et huit heures de repos.

Un décret social dans un contexte révolutionnaire

La révolution de février 1848 marque un tournant pour la classe ouvrière française, qui voit dans la chute de Louis-Philippe une opportunité d’améliorer ses conditions de vie. Le gouvernement provisoire, sous la pression des travailleurs, met en place plusieurs réformes sociales, dont la limitation du temps de travail. Ce décret, adopté seulement dix jours après l’instauration de la République, est une réponse directe aux revendications ouvrières qui dénoncent l’exploitation et l’exténuation causées par des journées de travail excessivement longues, souvent de douze à quatorze heures. Il interdit également le marchandage, une pratique permettant aux sous-traitants d’exploiter la main-d’œuvre en la sous-payant. Pourtant, malgré cet élan progressiste, la réforme reste floue quant à son application et suscite des interrogations dans les ateliers et les usines.

Une avancée éphémère mais symbolique

Si cette limitation de la journée de travail est accueillie avec enthousiasme par les ouvriers, elle inquiète la bourgeoisie et les industriels, qui y voient une menace pour la productivité et l’économie. Dès avril 1848, une Assemblée majoritairement conservatrice revient sur plusieurs acquis sociaux, refusant de reconnaître le droit des travailleurs à une régulation du temps de travail. En juin, la répression sanglante des émeutes ouvrières marque un coup d’arrêt aux aspirations sociales de la révolution. Finalement, le 9 septembre 1848, la durée maximale du travail est rétablie à douze heures, réduisant considérablement la portée du décret du 2 mars. Toutefois, cette première régulation du temps de travail marque un jalon essentiel dans l’histoire des droits sociaux en France. Elle amorce un débat qui se poursuivra tout au long du siècle et aboutira, en 1919, à la loi instaurant la journée de huit heures, concrétisation d’un combat engagé dès 1848.

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