La Ve République vient de vivre l’une de ses semaines les plus mouvementées, marquée par la chute historique du gouvernement de Michel Barnier, la seule fois depuis 1962, et par la colère des Français ainsi que les réactions en cascade de la classe politique. Retour sur ces jours qui resteront gravés dans l’histoire.
Une censure inédite depuis 1962
Le mercredi 4 décembre 2024, l’Assemblée nationale a adopté une motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier, la seule fois depuis 1962, époque à laquelle le gouvernement Pompidou avait été renversé par une motion de censure dans un contexte de tensions politiques post-guerre d’Algérie. Cette motion, portée par le Nouveau Front Populaire (NFP), coalition de gauche, et le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen, a recueilli 331 voix, dépassant la majorité nécessaire. L’alliance, bien que ponctuelle, a choqué une partie de l’opinion publique, tant la collaboration entre ces deux extrêmes semblait improbable.
Michel Barnier, nommé Premier ministre en septembre dernier, a vu son mandat s’écrouler après seulement trois mois. Le catalyseur de cette crise fut le recours à l’article 49.3 pour faire adopter le budget 2025, jugé austéritaire. Le texte prévoyait 60 milliards d’euros d’économies, combinant des coupes budgétaires et des hausses d’impôts. Une équation explosive pour une Assemblée nationale sans majorité claire.
Dans la foulée de la censure, Michel Barnier a présenté sa démission au président Emmanuel Macron, devenant ainsi le Premier ministre au mandat le plus court de la Ve République. Jusqu’à la nomination d’un successeur, Barnier et son équipe expédient les affaires courantes. “Ce n’est pas seulement un revers pour mon gouvernement, mais un avertissement pour toutes nos institutions,” a déclaré Barnier dans un discours de départ empreint de gravitas.
Le jeudi 5 décembre, Emmanuel Macron s’est adressé aux Français depuis l’Élysée. Lors d’une allocution solennelle, il a accusé une alliance “anti-républicaine” d’avoir choisi “le chaos plutôt que la responsabilité.” Réaffirmant son intention de poursuivre son mandat jusqu’à son terme en 2027, il a promis des “mesures exceptionnelles” pour assurer le fonctionnement de l’État et présenter rapidement un nouveau budget. Par ailleurs, il a annoncé la nomination imminente d’un nouveau Premier ministre. Parmi les noms qui circulent : Sébastien Lecornu, ministre de la Défense, et François Bayrou, figure centriste.
Un sondage CSA publié peu avant l’adoption de la motion de censure révèle que 62% des Français souhaitaient la démission d’Emmanuel Macron en cas de chute du gouvernement Barnier. La colère gronde dans un pays où l’inflation et les incertitudes économiques alimentent le mécontentement.
“Cette crise, c’est la conséquence directe de politiques éloignées des réalités quotidiennes des Français,” estime une analyste politique interrogée par Le Point. Dans les rues, les Français expriment un ras-le-bol face à ce qu’ils perçoivent comme un immobilisme des élites.
Un horizon politique incertain
Rassemblement National (RN) : Marine Le Pen s’est félicitée de la chute du gouvernement, appelant Macron à respecter “le choix des Français” et à envisager sa démission.
Nouveau Front Populaire (NFP) : Jean-Luc Mélenchon et ses alliés ont exigé la nomination d’un Premier ministre issu de leurs rangs, affirmant que “la gauche est la seule alternative crédible.”
Les Républicains (LR) : Le parti de Michel Barnier a appelé à la responsabilité pour sortir de la crise, tout en réaffirmant son ancrage dans une opposition constructive.
Cette semaine a plongé la France dans une crise politique majeure. Emmanuel Macron, déjà affaibli par l’absence de majorité depuis les élections législatives, doit naviguer entre les attentes contradictoires des Français et la pression de l’opposition.
Les prochains jours seront déterminants pour le chef de l’État. La nomination d’un nouveau Premier ministre capable de rassembler une majorité parlementaire apparaît comme une condition sine qua non pour restaurer la confiance. Mais le défi est immense : rétablir la stabilité dans un paysage politique plus fracturé que jamais. Cette crise, sans équivalent depuis des décennies, soulève une question essentielle : la Ve République est-elle encore adaptée à une France aussi divisée ?