Petit fils d’immigré italien entrepreneur, Jean-Marc Arnaud-Deromedi est né le 8 janvier 1975 à Neuilly-sur-Seine, en France. Après avoir grandi dans un environnement familial où l’éducation et l’engagement communautaire étaient valorisés, il a toujours été animé par le désir de contribuer positivement à la société. Chose qu’il fait aujourd’hui à Singapour, pays qu’il a découvert à 14 ans et dans lequel il vit aujourd’hui avec sa femme et ses enfants. Consul Honoraire de Monaco à Singapour depuis 2016 et Conseiller du Commerce Extérieur de la France depuis 2017, il représente avec fierté la Principauté de Monaco et les intérêts français à l’étranger. Son engagement, tant sur le plan professionnel qu’associatif, illustre sa détermination à promouvoir les intérêts de la France et de Monaco. Jean-Marc Arnaud-Deromedi nous parle de sa carrière mais aussi de son engagement associatif, que ce soit au sein du lycée français de Singapour ou de la Fondation Prince Albert II pour l’Environnement, où il travaille activement pour sensibiliser les populations asiatiques aux défis environnementaux. Avec toujours le même credo : tenter de rendre le monde meilleur.
Jérôme Goulon : Bonjour Jean-Marc. Pour commencer, parlez-nous un peu de vous. Quel est votre domaine d’activité ?
Jean-Marc Arnaud-Deromedi : J’ai 49 ans et j’ai deux sociétés à Singapour : une société d’aménagement que je laisse un petit peu en sommeil et une société, NeaD Pte Ltd, spécialisée en conseil stratégique, que j’ai montée avec un ami, Henri Nejade. Nous faisons du conseil dans les fusions acquisitions et nous aidons dans le développement ou l’achat de produits un peu partout dans le monde. Par exemple, en ce moment, nous sommes sur un projet de développement d’huile de friture au Kenya. Nous travaillons aussi sur une matière, l’alcool gras, qui permet de faire du savon ou des détergents. En fait, je fais un petit peu de tout. Je travaille également avec une société qui vend des crédits carbone à des compagnies pour compenser leur déficit carbone.
Depuis quand êtes-vous installés à Singapour, et pourquoi ce choix ?
Je suis arrivé au Lycée français de Singapour en 1989. En fait, j’ai suivi ma mère. Je suis rentré en France quatre ans pour faire mes études de commerce à Paris, puis je me suis réinstallé à Singapour. C’est un lieu de vie confortable et ça marche bien, même si ayant grandi sur la Côte d’Azur et y étant très attaché, je sais que je reviendrai vivre en France un jour. Je ne me plains pas, mais je ne suis pas complètement acclimaté au pays. Je suis prêt à rentrer en France, ça n’affecterait pas mon activité. C’est en revanche plus compliqué pour ma femme. Elle est originaire du Laos, elle est professeur de mathématiques au lycée français de Singapour. Son travail à Singapour est à la foi reconnu, valorisé et apprécié, ce qui le rend plus motivant.
Qu’est-ce qui vous a le plus séduit à Singapour ?
Ça a été un concours de circonstances. Au départ, j’ai suivi ma mère, puis je l’ai aidée dans son entreprise. Ensuite, j’ai eu des enfants là-bas, et je dois admettre que c’est beaucoup plus facile d’élever des enfants dans un pays où tout le monde est en sécurité. Chez moi, il n’y a même pas de serrure. Enfin si, il y a une serrure, mais on ne s’en sert jamais, je n’ai même pas la clé. Le portail n’a pas de sécurité non plus et on ne risque rien. Quand on a des enfants et qu’on est un petit peu anxieux comme je le suis, on vit confortablement à Singapour. C’est ce qui m’a le plus séduit.
Au niveau du business, quelle est la principale différence entre la France et Singapour ?
C’est beaucoup plus compétitif à Singapour et Hong Kong. Ensuite, une fois que vous avez développé votre produit votre société ou votre réseau, quel que soit le domaine, vous l’avez n’avez plus aucun souci.
C’est-à-dire ?
À Singapour, vous avez des cabinets assermentés et qui s’occupent de tout. Moi, j’envoie mes notes en vrac à un cabinet qui devient responsable de tout. Je ne peux pas être inquiété par le fisc par exemple. On n’a pas la possibilité de frauder, car les cabinets de gestion sont assermentés et effectuent le contrôle. La gestion au quotidien est donc plus sereine.
Il y a quelque chose qui semble important pour vous, c’est l’engagement associatif. En découvrant votre parcours, on apprend que vous avez passé une grande partie de votre temps à soutenir les entreprises françaises et renforcer les liens commerciaux entre la France et Singapour…
En étant très français dans l’âme, je n’ai qu’une seule passion depuis que je vis à Singapour, c’est de recréer une forme de village français et d’aider au maximum la communauté française. J’ai commencé par la chambre de commerce où je suis devenu administrateur puis vice-président. Notre but était d’aider les entreprises françaises à s’installer à Singapour, ce qui était très difficile il y a 15 ou 20 ans. On les accompagne et on joue un peu le rôle de mentor avec le gouvernement et les agences singapouriennes. Et puis derrière, il faut souder la communauté au maximum, et là, il y a du travail…
Pourquoi ?
La spécificité française, c’est le manque d’entraide. Quand on compare avec la communauté allemande par exemple, on constate que les Allemands « chassent en meute ». Leur esprit du collectif est une énorme force. Les Français, eux, sont très individualistes, et ça se reflète dans l’esprit des sociétés.
Parallèlement à ça, vous êtes aussi impliqué dans la vie du lycée français. Vous semblez très soucieux d’offrir aux enfants français une éducation de qualité….
En effet. J’ai eu l’occasion de rentrer au conseil d’administration du lycée français, et pour moi, c’était encore plus passionnant. C’est très bien de faire des affaires, mais je suis d’une famille italienne pauvre, et la famille et les enfants, c’est très important. Je voulais donc aider les élèves français dans leur éducation. À Singapour, on a le lycée français : quand j’y suis rentré, à 14 ans, il y avait 400 élèves. Quand j’ai intégré le conseil d’administration, il y en avait environ 1 500 et aujourd’hui, il y en a 3 000. Il y avait donc beaucoup d’aménagements à faire. Je me suis impliqué dans les investissements au niveau des infrastructures, dans la modernisation des pratiques pédagogiques, dans le soutien scolaire et dans le bien-être des élèves. Mon but était d’améliorer l’expérience des élèves par rapport à un lycée français public par exemple. Dans notre lycée, plus de 50% des élèves continuent leurs études à l’étranger. Il y a énormément de choses que l’on doit faire en plus de son cursus pour pouvoir être admis dans les bonnes écoles à l’étranger, donc il faut mettre les élèves dans les meilleures conditions.
Concrètement, cela se traduit par quelles actions ?
Il y a eu beaucoup d’investissements pour les infrastructures. Par exemple, pour 3 000, élèves nous avons deux piscines, deux stades, cinq gymnases, deux auditoriums de 500 places… Il a fallu faire des investissements et prendre des risques, et ça, c’était passionnant. On a également mis en place un accompagnement pour les élèves. Il y a un sujet qui revient régulièrement en France en ce moment, c’est le harcèlement. Pour lutter contre ça, nous avons ici des coachs, des gens qui ont des Master en psychologie et qui interviennent pour apporter de l’écoute et du soutien aux élèves. Les élèves doivent pouvoir parler à quelqu’un quand ils en ont besoin. La France devrait s’inspirer de ce genre de modèle. Dans l’Éducation nationale, lorsque vous avez un problème avec un prof, vous allez vous plaindre à une autre prof, qui est votre prof principal. C’est une peu le sketch de Coluche qui joue le flic et qui te dit que si ça ne va pas, tu peux aller au commissariat. Donc ici, on a mis ça en place. J’ai consacré plus de 16 ans au lycée français de Singapour. J’ai été élu au Conseil d’Administration puis Président, mais j’ai dû arrêter, ayant atteint la limite du nombre de mandats.
Parallèlement à vos engagements associatifs, vous êtes Consul Honoraire de Monaco à Singapour et administrateur de la branche Asie de la Fondation Prince Albert II pour l’Environnement. D’où vous vient cette envie de vous engager pour différentes causes ?
J’avais fait un peu d’humanitaire quand j’étais en école de commerce, et on avait une certaine rigueur pour bien gérer les dépenses. Ce qui m’a plu dans la Fondation Prince Albert II, c’est que tout l’argent reçu par les donateurs est utilisé à 100% pour des projets. Ces projets sont contrôlés par plusieurs comités : un comité scientifique, éthique et financier qui rapportent au Conseil d’administration. Et à chaque fois que la Fondation Prince Albert II se lance dans une cause, ça amène une grosse visibilité au projet. Je n’ai pas forcément une âme d’écolo engagé à la base, mais si on peut aider à préserver ce monde dont nous avons hérité des générations précédentes, nous aurons fait notre devoir…
Quels moyens mettez-vous en œuvre ?
Nous organisons principalement des événements afin de lever des fonds. Nous obtenons en moyenne 1,8 à 2 millions d’euros par événement, grâce notamment à l’aide de nombreux sponsors. On se sent utile. Pour vous répondre, les fonds recueillis par la Fondation permettent par exemple des reconstructions de barrières de corail, le nettoyage des océans ou l’aide aux espèces en voie de disparition. Nous agissons sur tout ce qui touche à la protection de la nature et de l’environnement.
Vous agissez auprès Prince Albert II. Vous avez un lien avec Monaco ?
Mon grand-père était promoteur en France. Il a commencé maçon à Paris et dans les années 70, il a développé sa société sur la Côte d’Azur et a construit à Monaco. Les liens se sont créés à ce moment-là…
Pour terminer, en tant que Français vivant à l’étranger, quelle vision vous avez de France aujourd’hui ?
Le point négatif de la France, selon moi, c’est l’insécurité, car même la fiscalité, on pourrait s’y résoudre. Par contre, il ne faut pas oublier le positif. Pour moi, la France est le plus beau pays au monde. Nous avons la montagne et des plages magnifiques, que ce soit en Bretagne, à Biarritz ou sur la Côte d’Azur. La lumière du ciel est incroyable durant toutes les saisons. C’est vraiment le plus beau pays du monde, avec de nombreux climats différents selon les régions. On a 25 pays en un seul ! Et je ne parle même pas de la nourriture et des gens.
C’est-à-dire ?
Il y a une unité dans la population qui fait que quel que soit son niveau de vie, sa classe sociale, on parle ensemble, on rit ensemble, on partage une culture commune. On ne s’en rend pas compte quand on n’a jamais vécu ailleurs, mais je n’ai pas du tout le même sentiment à Singapour. Quand je vais faire mes courses à Singapour, je ne dis rien à personne, je remets mes sacs dans la voiture et puis voilà. En France, je discute avec la caissière. On ne se rend pas compte de la chance que l’on a de vivre en France, et de ce qu’on est en train de détruire. Mais c’est un avis personnel…
Ce sera le mot de la fin ?
Je ne l’ai pas dit, mais c’est important. Je tiens à préciser que pour moi, le plus important, au-delà du travail et de mon engagement associatif, c’est ma famille. Ma priorité absolue, ce n’est pas que mes enfants réussissent, mais qu’ils soient heureux…
Jean-Marc Arnaud-Deromedi et S.A.S. Le Prince Albert II de Monaco