Le parti conservateur Gerb, mené par l’ex-Premier ministre Boïko Borissov, est arrivé en tête lors des législatives bulgares de dimanche, recueillant 26 % des voix, d’après des sondages de sortie des urnes. Malgré cette avance, le spectre de l’instabilité plane toujours, la Bulgarie n’étant pas encore parvenue à constituer un gouvernement stable après sept scrutins en trois ans et demi.
Un paysage politique fragmenté
Le parti libéral pro-européen CC/BD obtient 15 %, suivi des nationalistes prorusses de Vazrajdane avec 13 %. Le Parlement, morcelé entre sept à neuf partis, rend les alliances difficiles pour Boïko Borissov, qui doit naviguer avec précaution dans ce contexte politique. Lors de la campagne, l’ancien Premier ministre libéral Kiril Petkov, connu pour sa lutte contre la corruption, a refusé de s’associer à Borissov, critiquant son passé politique.
« Les gens veulent un gouvernement, de la stabilité, de la sécurité », a déclaré Borissov lors de son vote, appelant au dialogue avec ses opposants. Cependant, les négociations s’annoncent ardues, le pays restant plongé dans une impasse politique qui inquiète plus de 60 % des Bulgares.
Une fatigue électorale palpable
Le taux de participation, bien que légèrement en hausse avec 35 % contre 34 % en juin, reflète un ras-le-bol général. « Nous sommes fatigués d’être coincés dans ce manège qui tourne sans cesse, toujours avec le même résultat », témoigne Aneliya Ivanova, une informaticienne de Sofia.
Cette crise, la plus longue depuis la chute du communisme en 1989, semble avoir consolidé la position de Vazrajdane, un parti nationaliste et prorusse. Mené par Kostadin Kostadinov, ce mouvement prône une Bulgarie « indépendante et sans ingérence étrangère », critiquant ouvertement l’influence de Bruxelles et de Washington.
Fort de son ascendant sur l’électorat, Vazrajdane a obtenu l’adoption cet été d’une loi contre la « propagande » LGBT+ dans les écoles, inspirée par des législations russes. Ce positionnement contribue à renforcer l’audience du parti dans un pays où le sentiment prorusse demeure fort, malgré son adhésion à l’Otan. « L’influence de Vazrajdane s’accroît au point que le parti devient un partenaire potentiel pour Gerb », note Dobromir Jivkov, analyste chez Market Links.
Les incertitudes américaines et européennes
Boïko Borissov reste toutefois prudent, reconnaissant que ses partenaires européens et américains ne soutiendraient pas un rapprochement avec un parti prorusse. Mais une éventuelle victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine pourrait modifier cet équilibre, offrant une « indulgence envers la corruption » qui permettrait des alliances improbables. Cela pourrait même inclure le controversé Delyan Peevski, député visé par des sanctions pour corruption mais fort de près de 10 % des voix au sein d’une faction dissidente du MDL, un parti de la minorité musulmane.
La situation endémique de la corruption en Bulgarie a également mené le parquet à ouvrir des centaines d’enquêtes pour tentative d’achat de votes, avec 70 arrestations avant le scrutin, principalement dans les bastions du MDL. Cette situation dissuade les investisseurs étrangers et a retardé d’importantes réformes économiques, compromettant les fonds européens pour la transition énergétique.
En conséquence, la Bulgarie a dû repousser son entrée dans la zone euro ainsi que son adhésion pleine et entière à l’espace Schengen. Le coût de l’organisation des sept élections en trois ans s’élève à plus de 300 millions d’euros, creusant davantage les finances d’un pays déjà fragilisé.
Avec ce nouveau scrutin sans issue claire, la Bulgarie reste dans l’attente d’une stabilité politique, tandis que la population exprime de plus en plus son mécontentement face à une crise sans fin.