Budget militaire : la loi de programmation sous la menace de coupes budgétaires

Entrevue 1

Alors qu’Emmanuel Macron a visité mercredi un camp militaire dans l’est de la France, rencontrant les instructeurs français formant les soldats ukrainiens de la « brigade 155 », l’attention se tourne vers les enjeux budgétaires concernant la défense. Ce déplacement visait à montrer que, malgré les contraintes budgétaires, l’engagement de la France dans le soutien militaire à l’Ukraine demeure une priorité. Le président a réaffirmé sur X (ex-Twitter) que « la brigade Anne de Kiev sera formée et équipée grâce à la solidarité de la France ».

Cependant, au moment où le projet de loi de finances arrive à l’Assemblée nationale, les militaires s’inquiètent de la réduction des crédits alloués à la défense, pourtant essentiels pour le respect de la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030. Cette LPM, votée l’an dernier, prévoit un budget des armées de 50,5 milliards d’euros en 2025, avec une hausse progressive pour atteindre 69 milliards d’euros en 2030. Le ministère des Finances, en quête d’économies, envisage toutefois de réduire les budgets dans plusieurs secteurs, y compris celui de la défense.

Une inquiétude palpable au sein de l’armée

Malgré les déclarations du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, assurant que « le budget des armées sera plus élevé en 2025 qu’en 2024 », les militaires restent sceptiques. Un haut gradé a exprimé ses craintes face à une éventuelle réduction des moyens. Les stocks de munitions, la défense sol-air et les grands projets comme le futur porte-avions dépendent de ces crédits. « Il n’y a aucun excès dans cette trajectoire », avertit le député Jean-Michel Jacques, président de la commission Défense à l’Assemblée nationale.

En effet, le budget 2025 prévoit une augmentation de 3 milliards d’euros, mais le ministère des Armées doit encore faire face à plusieurs défis, notamment le dégel de crédits à hauteur de 1,5 milliard d’euros pour 2024 et la gestion des surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX). Le coût de ces opérations a été estimé à 2 milliards d’euros, bien au-delà des 750 millions prévus. Si ces surcoûts sont absorbés par le budget du ministère, la hausse prévue pour 2025 pourrait être compromise.

Des décisions délicates à venir

Face à ces enjeux, le ministère des Armées envisage de rationaliser ses dépenses en identifiant des marges de manœuvre, comme la réduction des doublons ou l’adaptation des objectifs opérationnels. Certains projets, comme celui de former une division projetable d’ici 2027, pourraient être revus à la baisse. Les livraisons d’équipements pourraient également être étalées pour éviter une trop grande pression budgétaire.

Politiquement, ni Emmanuel Macron ni Sébastien Lecornu ne peuvent se permettre une baisse des crédits de défense. La crédibilité de la France au sein de l’Otan est en jeu, avec un objectif de dépenses militaires fixées à 2 % du PIB, minimum requis par l’organisation. Pourtant, dans un contexte de réduction du déficit public, le ministère des Finances semble décidé à pousser chaque ministère à contribuer à l’effort budgétaire national.

Une pression sur l’exemplarité

Pour Sébastien Lecornu, il est essentiel que le ministère des Armées « fasse preuve d’exemplarité » dans la gestion de cette augmentation budgétaire. Cela implique une vigilance accrue quant à l’utilisation des fonds, notamment en évitant les doublons et en examinant les structures de coûts des industriels de la défense.

Le débat est loin d’être tranché, mais une chose est certaine : la loi de programmation militaire, cruciale pour l’avenir des armées françaises, se trouve au cœur des arbitrages budgétaires, alors même que la situation internationale, avec la guerre en Ukraine, exige un effort soutenu pour garantir la sécurité nationale et le respect des engagements internationaux de la France.

Thumbnail