Michel Barnier, le nouveau Premier ministre français, se retrouve devant une tâche des plus ardues : présenter un budget pour 2025 sans tomber sous le coup d’une motion de censure à l’Assemblée nationale. Avec une situation budgétaire déjà critique, Barnier doit procéder à des arbitrages rapides pour que la copie finale du projet de loi de finances soit soumise au Haut conseil des finances publiques avant le 13 septembre.
Jeudi dernier, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, et Thomas Cazenave, ministre du Budget, ont remis à Barnier une lettre détaillant les enjeux du budget 2025. Jérôme Fournel, ex-directeur de cabinet de Bruno Le Maire et désormais en poste à Matignon, maîtrise parfaitement ces données.
Des objectifs budgétaires déjà obsolètes
Les objectifs fixés pour 2024 sont déjà dépassés. Alors que l’ancien gouvernement visait un déficit de 5,1% pour 2024, il devrait finalement atteindre 5,6%. Cet écart remet en cause la trajectoire budgétaire, initialement prévue pour ramener le déficit à 4,1% en 2025. Dans ce contexte, l’ambition de réduire le déficit sous la barre des 3% d’ici la fin du second mandat d’Emmanuel Macron semble désormais inatteignable.
En interne, les experts estiment qu’un déficit autour de 5,3% pour 2024 serait une « performance ». Pour 2025, l’objectif est de passer sous la barre des 5%, un défi majeur pour Barnier.
Des dépenses gelées, mais pas entièrement annulées
Pour 2024, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave ont gelé 16,5 milliards d’euros de crédits afin de limiter les dépenses. Toutefois, une grande partie de ces fonds pourrait être dégelée en raison de leur caractère incontournable, notamment pour les dépenses de personnel et les prestations sociales. Selon François Ecalle, spécialiste des finances publiques, environ la moitié des crédits gelés sont généralement réintégrés à la fin de l’année.
L’une des pistes envisagées pour alléger les finances est une mesure rétroactive sur 2024 visant à taxer les « rentes exceptionnelles » des producteurs d’électricité, à travers la Contribution sur la Rente InfraMarginale (CRIM). Cette taxe, créée en 2023, pourrait rapporter environ 2,5 milliards d’euros.
Un budget 2025 sous haute tension
Pour 2025, Gabriel Attal, ministre de l’Éducation et ex-ministre des Comptes publics, a prévu une enveloppe sans augmentation de crédits pour les ministères. Cela implique un effort budgétaire estimé à 15 milliards d’euros, auquel s’ajoutent 5 milliards d’économies supplémentaires sur le budget de la Sécurité sociale. Si Barnier souhaite renforcer certains postes budgétaires, il devra compenser ces hausses par de nouvelles économies, soit au sein de la Sécurité sociale, soit via de nouvelles mesures fiscales.
La présentation du Projet de loi de finances (PLF) devant le Parlement est prévue pour le premier mardi d’octobre, conformément à la loi organique sur les lois de finances. Les membres de la Commission des finances du Sénat ont déjà prévenu qu’aucun report ne serait toléré.
Un délai supplémentaire demandé à l’Union européenne
Sur le plan européen, la France a sollicité un report pour la présentation de son plan de redressement des finances publiques, initialement attendu pour le 20 septembre. Michel Barnier espère obtenir un délai de la part de la Commission européenne afin d’étaler l’effort de réduction du déficit sur une période plus longue, pouvant aller jusqu’à sept ans.
Avec un déficit public atteignant 5,5% du PIB en 2023 et une dette nationale à 110,6% du PIB, la France est sous surveillance de Bruxelles. Si aucune mesure d’ajustement significative n’est prise, la dette pourrait s’élever à 113,8% du PIB d’ici 2025, bien au-delà du seuil européen de 60%.
Michel Barnier a donc devant lui une mission délicate et urgente : concilier rigueur budgétaire, relance économique et pression politique, le tout sous l’œil attentif de l’Union européenne.