Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, était l’invité de RTL ce jeudi, où il a exposé trois leviers d’action pour faire respecter les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Ces mesures, bien qu’ambitieuses sur le papier, suscitent des doutes quant à leur faisabilité.
Retailleau a pointé du doigt la faible coopération de certains pays, comme le Maroc, concernant les retours de leurs ressortissants. Il a illustré son propos avec les chiffres de 2023 : 238 000 visas accordés aux Marocains pour seulement 1 680 retours forcés. Le ministre souhaite ainsi rééquilibrer cette situation en menaçant de réduire le nombre de visas accordés si les pays concernés ne coopèrent pas davantage. Cependant, cette approche a déjà été tentée par le gouvernement Attal en 2021 avec peu de résultats. En réduisant les visas pour des pays comme le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, la France a principalement généré des tensions diplomatiques sans obtenir les résultats escomptés.
Retailleau a également évoqué le conditionnement de l’aide au développement comme outil de pression pour inciter les pays à accepter leurs ressortissants expulsés. Cette stratégie n’est pas nouvelle. L’ancien gouvernement avait déjà proposé de lier l’aide au niveau de coopération sur l’immigration irrégulière, une mesure finalement censurée par le Conseil constitutionnel en janvier 2024. Cela pose la question de la légalité et de la faisabilité de cette approche, surtout face à des pays qui pourraient refuser cette forme de chantage économique.
Enfin, Retailleau veut introduire une « préférence commerciale » en ajustant les tarifs douaniers des pays qui ne respectent pas leurs engagements. Mais cette décision ne relève pas de la France seule, puisqu’elle dépend des discussions au sein de l’Union européenne. Or, il est peu probable que des pays influents comme l’Allemagne suivent cette ligne dure.
L’extension de la rétention administrative jusqu’à 210 jours pour les étrangers sous OQTF, mesure actuellement réservée aux dossiers terroristes, figure également parmi les propositions du ministre. Mais Patrick Baudouin, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), estime que cela ne servirait à rien si les pays concernés ne délivrent pas les laissez-passer consulaires nécessaires à l’expulsion. Pour lui, prolonger la rétention sans accords diplomatiques ne changera pas la donne.
Baudouin dénonce ainsi un « discours de communication » de la part du ministre, évoquant des annonces « démagogiques » qui ne résoudront pas le problème de fond. Il appelle plutôt à une approche fondée sur « l’humanité, la justice et l’efficacité », pointant du doigt une méfiance croissante vis-à-vis des étrangers.
En somme, si Bruno Retailleau mise sur des leviers existants, leur mise en œuvre semble semée d’embûches, tant sur le plan diplomatique que juridique.