Depuis son arrestation mi-novembre à l’aéroport d’Alger, Boualem Sansal, écrivain franco-algérien de renommée internationale, est en détention pour des accusations d’atteinte à la sûreté de l’État. Cette situation soulève une vive inquiétude parmi les défenseurs des droits humains, ses confrères écrivains, et ses soutiens à travers le monde, qui dénoncent une instrumentalisation de la justice algérienne pour faire taire une voix critique du régime.
Boualem Sansal, 75 ans, a été arrêté en vertu de l’article 87 bis du Code pénal algérien, un texte aux contours flous, souvent utilisé pour museler les dissidents. Cet article prévoit des sanctions sévères, dont la réclusion à perpétuité, pour des faits qualifiés de “terrorisme” ou d’atteinte à la stabilité de l’État. Bien que la peine capitale soit en théorie prévue, l’Algérie observe un moratoire sur son application depuis 1993.
Initialement placé sous mandat de dépôt à l’hôpital pénitentiaire Mustapha d’Alger en raison de son âge avancé, Boualem Sansal a été transféré à la prison de Koléa, sans que sa famille ou ses avocats n’en soient informés. Cette opacité alimente les craintes sur les conditions de détention et la santé de l’écrivain.
François Zimeray, avocat de Boualem Sansal en France, a dénoncé des atteintes flagrantes aux droits de la défense. Il n’a pas pu obtenir de visa pour plaider en Algérie, ce qui constitue une “entrave inadmissible” selon lui. Il regrette également l’absence de communication de l’accusation sur les charges précises retenues contre son client.
« Nous appliquerons le droit algérien, mais ce droit inclut également les engagements internationaux de l’Algérie », a rappelé Me Zimeray lors d’une conférence de presse à Paris. En cas d’absence de garanties pour un procès équitable, il se dit prêt à saisir des instances internationales, notamment le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ou la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.
Le monde littéraire et les défenseurs des droits humains se mobilisent pour soutenir l’auteur de 2084 : La fin du monde. Kamel Daoud, écrivain algérien et lauréat du Prix Goncourt 2024, appelle à une solidarité sans faille envers son confrère, qu’il qualifie de “porte-drapeau d’une Algérie libre et courageuse”.
Le bâtonnier de Paris, Me Pierre Hofman, a également dénoncé ces entraves, rappelant que “les droits de la défense ne sont pas à géométrie variable”. Des voix s’élèvent également dans la société civile pour demander des explications au gouvernement algérien et garantir la sécurité de Boualem Sansal.
Critique virulent du régime algérien, Boualem Sansal a souvent dénoncé l’autoritarisme du pouvoir. Son arrestation intervient peu après des déclarations controversées dans un média français réputé d’extrême droite, où il a semblé soutenir une position marocaine sur le Sahara occidental. Ces propos auraient exacerbé les tensions entre Alger et l’écrivain, bien connu pour ses prises de position dérangeantes.
Alors que sa demande de remise en liberté a été rejetée, l’état de santé de Boualem Sansal, combiné à son âge avancé, renforce l’urgence de mobilisations internationales pour garantir sa sécurité et un traitement équitable. Son avocat se donne quelques jours pour évaluer la situation avant d’engager des actions auprès de l’ONU et d’autres institutions.
L’affaire Boualem Sansal dépasse le cadre judiciaire. Elle illustre le difficile combat pour la liberté d’expression en Algérie et l’urgence de protéger les voix dissidentes face à un pouvoir qui préfère le silence à la critique.