Alors que se conclut la COP 29, le choix de l’Azerbaïdjan comme pays d’accueil interroge. La 29e conférence des Parties sur le Climat organisée par les Nations unies s’est déroulée cette année du 11 au 22 novembre à Bakou, en dépit des considérations de son régime pour le respect des droits humains fondamentaux.
Dans un rapport intitulé « Droits de l’Homme en Azerbaïdjan », le Centre européen pour le Droit et la justice (l’ECLJ) met en lumière le sort tragique des détenus arméniens, azéris et français dans les geôles de Bakou, et l’omerta de la communauté internationale.
Ilham Aliyev, vers un régime dictatorial
Depuis l’accession au pouvoir de l’actuel président Ilham Aliyev en 2003, l’Azerbaïdjan est devenu un État où les droits fondamentaux sont piétinés. Succédant à son père Heydar Aliyev, son arrivée au pouvoir marque le début d’une dynastie politique, enfonçant le pays dans un régime de plus en plus autoritaire.
En 2009, par une modification constitutionnelle, Ilham Aliyev abolit la limite de mandats présidentiels, lui permettant de se maintenir au pouvoir aussi longtemps qu’il le souhaite. En 2016, il crée le poste de premier vice-président, occupé depuis par sa femme, Mehriban Alieva.
Mais les entraves aux droits fondamentaux dépassent ce cadre politique : l’ECLJ pointe une violation systématique des droits de l’homme en Azerbaïdjan, notamment en raison des abus judiciaires. Depuis l’avènement d’Ilham Aliyev, les répressions contre l’opposition se multiplient.
Trois catégories de prisonniers aux conditions de détention inquiétantes
Dans les geôles de Bakou, on distingue trois catégories de détenus : des arméniens, civils, militaires et hauts dignitaires politiques, depuis l’annexion du territoire du Haut-Karabagh par l’armée azérie en septembre 2023 ; trois ressortissants français ; mais aussi des dissidents internes. Des opposants politiques aux journalistes, les azéris ne sont pas épargnés.
« Tortures, détentions arbitraires et répression systématique de la société civile sont le lot quotidien sous le régime d’Ilham Aliyev. » explique dans son rapport l’ECLJ. Le 24 avril 2024, le Comité contre la torture de l’ONU fait état « de nombreuses allégations de mauvais traitements à l’encontre de prisonniers de guerre arméniens, y compris la décapitation en public de certains prisonniers ». Dans ses observations finales, le Comité se dit : « préoccupé par le fait que les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes continuent d’être victimes de harcèlement physique et judiciaire et, dans certains cas, de torture et de mauvais traitements ».
Du côté des détenus azéris, plus de 300 prisonniers politiques, opposants ou simples militants des droits de l’Homme, et 23 journalistes seraient concernés.
Des tensions diplomatiques avec la France à leur paroxysme
Parmi les Français inquiétés par Bakou se trouve Théo Clerc.
« Le principe de justice ici n’existe pas : en représaille au soutien de la France à l’Arménie, l’Azerbaïdjan a jeté en prison trois Français dont Théo Clerc, coupable seulement d’un graffiti sans message politique dans le métro. Il était accompagné d’un Néo-zélandais et d’un Australien qui n’ont pas été inquiétés ; ils ont écopé d’une amende tandis que le Français, lui, a été condamné à 3 ans de prison. Derrière cette condamnation, c’est bien sûr la France qui est visée. » (Thibault Van den Bossche, ECLJ).
Au-delà de l’invasion du Haut-Karabakh en septembre 2023 et du nettoyage ethnique des 120 000 Arméniens par Bakou, l’ingérence azérie dans les territoires français d’Outre-mer tend encore davantage des relations compliquées entre les deux pays.
Le silence coupable de la communauté internationale
Mais si l’Azerbaïdjan est classé parmi les États les moins libres du monde dans l’indice 2024 de l’ONG américaine Freedom House, tout juste entre l’Afghanistan et la Biélorussie, l’omerta règne en Occident.
Tenue par un partenariat énergétique signé avec Bakou en 2022, l’Union européenne démontre toute son hypocrisie : en préférant le gaz azéri au gaz russe, l’Europe avoue à demi-mot attacher moins d’importance aux Arméniens du Haut-Karabagh qu’aux Ukrainiens du Donbass. Cette complicité tacite des institutions européennes est d’autant plus grande que le Conseil de l’Europe compte parmi ses membres nul autre que l’Azerbaïdjan. Dans une liste de recommandations formulée à l’issue de son rapport, l’ECLJ demande son exclusion.
Une pétition disponible sur leur site internet recueille déjà 5 600 signataires.